Les professeurs de fiscalité critiquent vigoureusement le Parti québécois (PQ) qui a l'intention d'augmenter rétroactivement les impôts sur le revenu des plus riches, mais aussi sur le gain en capital et sur le dividende.

Le gouvernement Marois a confirmé que la hausse d'impôt s'appliquera pour toute l'année 2012, même si le gouvernement a été élu le 4 septembre.

Durant la campagne, le Parti québécois s'est engagé à abolir la contribution santé qui aurait coûté 200$ à 4,7 millions de Québécois en 2012.

Pour combler le manque à gagner de près de 1 milliard de dollars, le PQ veut relever l'impôt de quelque 140 000 salariés qui gagnent plus de 130 000$. Il veut aussi réduire de moitié le crédit d'impôt sur le dividende, une mesure qui frappera 675 000 contribuables. Le PQ a aussi l'intention d'augmenter l'impôt sur le gain en capital: les contribuables devraient inclure les trois quarts de leur gain dans leur déclaration de revenus, au lieu de la moitié en ce moment.

Mais en revenant en arrière, le gouvernement va à l'encontre du principe de la prévisibilité en matière fiscale. «Le contribuable doit savoir à quoi s'en tenir», dit André Lareau, professeur de droit fiscal à l'Université Laval. Sinon, «c'est comme changer les règles du jeu alors que la partie est déjà jouée», compare-t-il.

Relever les impôts rétroactivement sur le gain en capital est particulièrement dérangeant. Cela touchera notamment les propriétaires qui ont vendu un immeuble à revenus ou un chalet en 2012.

«Le gain en capital est un impôt qu'on paie à quelques reprises dans notre vie en faisant une transaction calculée. Les gens devraient avoir la certitude que le droit fiscal en vigueur ce jour-là sera celui qui va s'appliquer», pense Nicolas Boivin, professeur de fiscalité à l'Université du Québec à Trois-Rivières.

«Aller appliquer un autre taux à des transactions qui ont été réalisées dans le passé, ça ne s'est jamais vu!», lance-t-il.

Finie, l'harmonisation

Les fiscalistes déplorent aussi que Québec fasse bande à part en adoptant des règles différentes de celles qui s'appliquent dans le reste du Canada. Encore là, il s'agit d'une première. Le taux d'inclusion du gain en capital a beaucoup varié depuis 40 ans, mais Québec a toujours suivi Ottawa.

En imposant davantage le gain en capital que les provinces voisines, Québec peut s'attendre à ce que les nantis fassent de la haute voltige fiscale pour échapper à la hausse.

«Monsieur ou madame Tout-le-Monde qui vend son chalet va devoir supporter la hausse, alors que ceux qui ont les moyens de se payer un fiscaliste vont probablement faire des transactions localisées dans une autre province», prédit M. Lareau.

Selon lui, les entreprises pourront facilement s'organiser pour réaliser leur gain à l'extérieur du Québec, par la détention d'actifs dans des coquilles corporatives situées à l'extérieur de la province.

Le changement d'imposition des dividendes risque aussi de donner des maux de tête aux entrepreneurs qui font des calculs pour maximiser leur situation fiscale. «C'est déjà assez compliqué d'avoir deux systèmes fiscaux! Quand les deux ne sont pas coordonnés, ça fait en sorte qu'on est devant l'impossibilité de trouver la situation optimale, même avec toute la bonne volonté du monde», dit M. Boivin.

Les investisseurs peuvent aussi s'attendre à ce que la hausse d'impôt sur les dividendes ait un impact à la Bourse, selon Manon Deslandes, professeure de fiscalité à l'École des sciences de la gestion de l'UQAM qui vient de terminer une thèse sur l'incidence du taux d'imposition des dividendes sur les décisions financières des sociétés.

Elle a constaté que les sociétés canadiennes inscrites en Bourse ont versé davantage de dividendes à leurs actionnaires après la baisse d'impôt sur les dividendes en 2006. De plus, la mesure a favorisé les investissements de la part des sociétés publiques.

«Logiquement, il pourrait y avoir l'effet inverse», dit Mme Deslandes. Ainsi, les sociétés pourraient avoir moins tendance à augmenter leur dividende. Mais l'effet sera beaucoup moins grand que si la modification touchait l'ensemble du Canada, car les investisseurs québécois ne forment qu'une petite partie de l'actionnariat des sociétés.