Après avoir confirmé jeudi après-midi le déclassement de la centrale nucléaire Gentilly-2, Pauline Marois a dû ensuite atténuer les propos de sa ministre des Ressources naturelles sur le gaz de schiste, qu'elle avait déclaré encore trop risqué pour en permettre un jour l'exploitation au Québec.

«Elle craint qu'il y ait des risques qui soient difficilement acceptables, mais elle a bien sûr affirmé, et j'ai bien lu ses déclarations, qu'il fallait qu'il y ait une étude du BAPE (Bureau d'audiences publiques sur l'environnement), ce à quoi nous allons procéder pour en évaluer tous les impacts», a déclaré la première ministre.

La nouvelle ministre Martine Ouellet a indiqué hier qu'elle voulait confier l'étude environnementale stratégique sur le gaz de schiste au BAPE afin d'obtenir un portrait «indépendant».

Elle a toutefois avoué qu'elle penchait déjà pour un moratoire permanent. «Je ne vois pas le jour où des technologies permettront une exploitation sécuritaire», a-t-elle fait savoir.

Il y a déjà un moratoire. Le Parti québécois veut qu'il soit «complet, tant sur l'exploration que sur l'exploitation du gaz de schiste», dit Mme Ouellet. Ce moratoire doit se poursuivre jusqu'au dépôt des études sur cette ressource controversée.

La ministre a déjà indiqué qu'elle n'allait pas se fier pas à l'étude environnementale stratégique commandée par le gouvernement Charest.

«Des gens directement intéressés sont ceux qui prennent des décisions. Nous confierons donc l'étude environnementale stratégique au BAPE, avec un mandat élargi et des intervenants indépendants», a-t-elle annoncé.

La ministre croit que cette étude est nécessaire afin d'obtenir un portrait complet de la situation et ainsi «documenter ce que le PQ a dit» pendant la campagne électorale.

Martine Ouellet, ingénieure de profession et ancienne présidente d'Eau secours, a été chef des projets spéciaux à Hydro-Québec Production. Elle a tenu à rassurer les lobbys économiques qui s'inquiètent de voir autant de verts dans le gouvernement Marois.

«Lorsque les règles vont être claires, ce sera le climat le plus propice pour les investisseurs.»

Steven Guilbeault, d'Équiterre, comprend mal l'inquiétude de l'industrie.

«À part pour le ton, la position du PQ n'est pas si différente de celle du PLQ, a-t-il dit. Les libéraux avaient interdit les forages industriels et commerciaux. Ils les permettaient seulement à des fins scientifiques, autorisées par le comité d'étude. Mais ce comité a dit qu'il n'en ferait pas. Donc, dans les faits, même si on n'utilisait pas le mot, c'était un moratoire en attendant le dépôt des études.»

Et par la suite, même si ce moratoire devait être levé, l'industrie ne serait peut-être pas prête à exploiter le gaz de schiste au Québec.

«Le prix de la ressource a beaucoup diminué. Déjà, plusieurs projets sont retardés ou abandonnés ailleurs. Par exemple, en Colombie-Britannique, l'industrie a récemment mis à pied 5000 employés. Lucien Bouchard (président de l'Association gazière et pétrolière du Québec) peut bien déchirer sa chemise, mais aucun projet n'est prévu pour bientôt au Québec.»

L'environnementaliste défend les nominations de Mme Ouellet et de Daniel Breton (ministre de l'Environnement): «Depuis des décennies, on nommait des gens sans expérience en environnement, mais on insistait pour qu'il y ait un ministre solide aux Finances. Et là, scandale: on nomme un écologiste à l'Environnement. Ce n'est pas cohérent. L'élite économique veut le beurre, l'argent du beurre et la crémière!»