C'est le mot d'ordre de plus en plus de cabinets, firmes et agences qui réaménagent leurs espaces de travail. Pour être tendance, mais surtout pour favoriser la collaboration entre employés, leur bien-être et le rendement de l'entreprise.

Des coins café jaune soleil, rouge et orangé, des murs en vitre et de la lumière naturelle. Les nouveaux bureaux de la firme comptable RSM Richter Chamberland, en plein centre-ville de Montréal, tranchent avec les anciens de la Place Alexis Nihon. Plus aérés, ils occupent trois étages de la Tour BNP de l'avenue McGill College (pour un total de 100 023 pieds carrés), et non six comme auparavant.

«Il y avait beaucoup de bureaux fermés. Certains trop grands, d'autres trop petits, note Diane Tsonos, associée, avocate, fiscalité et responsable du déménagement. Il y avait beaucoup d'espace perdu et de corridors. D'ailleurs, on avait 250 tableaux sur les murs avant contre 60 aujourd'hui, car on a des murs de verre! Et on avait beaucoup de meubles achetés à différentes époques.»

Autre problématique, l'ancien design ne permettait pas de maximiser la collaboration et les échanges entre associés, comptables et les différents départements de la firme. «Le travail en équipe était la clé du succès, dit Diane Tsonos. Il fallait casser les silos. On offre des services variés, comme la fiscalité et la gestion du patrimoine, mais souvent nos clients ne restent que dans un seul service.»

Avec la firme Lemay associés, architecture, design, et DEGW, firme new-yorkaise de consultants spécialisés en stratégie des lieux de travail, RSM a repensé la façon de diviser l'espace. «La nouvelle génération d'employés veut échanger et travailler en équipe, note Sylvie Delisle, directrice de projets en design de Lemay. C'est donc important de créer des espaces de rencontres formels et informels, comme il y a moins de bureaux.»

Si les associés ont tenu à conserver leurs bureaux fermés, ils ont accepté d'avoir des murs vitrés pour laisser entrer la lumière. Les trois étages offrent aussi beaucoup d'espaces de rencontres le long des fenêtres. Les cubicules des comptables, homogènes (près du quart de l'investissement de quelques millions consenti au réaménagement), offrent tous une place assise avec coussin pour accueillir un collègue. «La tendance est à l'aménagement de petits quartiers, d'espaces à aire ouverte plus personnalisés, souligne Sylvie Delisle. Les associés de RSM ont fait de grands pas par rapport à ce qu'ils connaissaient.»

Trois coins-café reliés par un escalier interne favorisent les déplacements et les échanges. «Avant, on se voyait dans les ascenseurs, dit Diane Tsonos. On ne savait même pas si telle personne travaillait chez Richter!»

L'ouverture d'esprit des associés de RSM fait en sorte que leurs bureaux ont des similitudes avec ceux d'une agence de pub comme Cossette Québec qui a déménagé son siège social en février dernier. La centaine d'employés occupe un espace de 25 000 pieds carrés, aménagé dans un ancien bureau de poste par la firme Régis Côté et associés, architectes, au coût de près d'un million de dollars. «J'ai cherché un endroit où on pouvait tous être sur le même étage pour tirer le maximum de la collaboration et de l'expertise des gens, raconte Louis Duchesne, vice-président Québec, de Cossette. Avant, on était sur deux étages. Lors des lunchs, on mangeait plus en groupuscules. Aujourd'hui, on peut être une soixantaine.»

Chez Cossette Québec, même le bureau du patron est décloisonné! «Le leadership d'aujourd'hui en est un d'influence, souligne Louis Duchesne. Ma table de travail est accessible à tous. J'ai 35 ans. De gros sofas en cuir et une porte fermée, ça ne me ressemble pas.

«Nos anciens bureaux étaient plus compartimentés, poursuit-il. C'était donc moins naturel de se mélanger entre départements (média, création, service conseil). Il y a trois ans, on a rassemblé toutes nos expertises sous le nom de Cossette. Nos gens devaient vivre ce changement aussi. En plus, 25% des employés sont issus de la génération Y. Ils ont besoin de vivre en communauté.»

Tous les employés ont accès aux fenêtres chez Cossette. L'aménagement a forcé les employés à parler à voix basse, mais personne n'est importuné. Ceux qui ont besoin d'intimité pour travailler, de participer à un appel conférence ou rencontrer des clients ont accès, au centre de l'espace, à des isoloirs ou des salles de conférence. «Grâce à ces cubicules, il n'y a pas de frustration», jure Louis Duchesne.

Les nouveaux bureaux font 7000 pieds carrés de moins que les anciens. «Mais on a l'impression que c'est plus grand, car l'espace est optimisé, dit Louis Duchesne. Pendant des mois, on a numérisé beaucoup d'archives, des contrats, de la documentation. Plus besoin de gros classeurs.»

Le réaménagement d'un espace ne se fait pas sans compromis. Lorsque les 550 employés du cabinet d'avocats Norton Rose sont retournés s'établir à la Place Ville Marie, il y a deux ans, la direction a dû montrer qu'elle était ouverte aux changements. «Pour contrôler les coûts, on a décidé d'avoir des bureaux de grandeur standard, raconte Jean G. Bertrand, associé directeur, bureau de Montréal, de Norton Rose Canada. Tous les avocats disposent de bureaux de 10 par 15 pieds, donc avec deux fenêtres. J'étais un peu réticent, mais c'était empreint de bon sens. Je pensais avoir des problèmes d'espace, mais on a abandonné tous nos meubles pour un ameublement modulaire standardisé, moderne donc avec beaucoup de rangement. Un fournisseur, une ligne. C'est finalement plus facile pour les permutations à l'interne.»

Faire table rase du «vieux style club anglais» a permis une image renouvelée de la firme au grand lobby maquillé de crème, de gris et de verre, dessiné par Lemay associés. «Le look est homogène, note Jean G. Bertrand. Ça reflète l'image qu'on veut projeter: de qualité, simple et non ostentatoire. Nous sommes un cabinet composé de jeunes. Il y a toujours un risque associé à un réaménagement. Mais il y a aussi le risque de se faire dire par les clients: c'est trop beau et luxueux, j'ai l'impression que je vais payer pour ça. Ici, c'est de bon goût et discret.»

«C'était nécessaire de renouveler nos espaces, dit Diane Tsonos. On a doublé notre superficie en 25 ans. On avait besoin d'un renouveau et il fallait le faire ailleurs, pour éviter d'étirer les rénovations et causer une perte de productivité.»