L'homo quebecensis a encore plus peur d'attendre des mois avant de se faire soigner que de perdre son job. Et il craint aussi par-dessus tout qu'un autre viaduc finisse par tomber sur la tête de quelqu'un.

Tel est le portrait inédit  -et surprenant - que trace la première enquête jamais réalisée sur la perception des risques au Québec. L'exercice est l'oeuvre de deux chercheuses du Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (Cirano) et ses résultats seront publiés dans un ouvrage à paraître la semaine prochaine.

«Notre intention est de suivre annuellement l'évolution des préoccupations afin d'être utile aux décideurs, qu'ils soient politiciens ou gestionnaires», explique Nathalie de Marcellis-Warin , co-auteure du livre et aussi professeur à École Polytechnique de Montréal, lors d'un entretien avec La Presse Affaires.

Surprise, la chercheuse l'a été un peu elle aussi en recevant les résultats de cette enquête pour laquelle 1130 personnes ont été interrogées par la firme Léger Marketing, entre le 22 et le 27 juin 2011. «Les réponses sont en lien avec l'actualité de cette période», constate-t-elle. Si l'exercice était répété aujourd'hui, le conflit étudiant ferait probablement partie du tableau, selon elle.

Les préoccupations des Québécois ne sont pas les mêmes selon qu'ils pensent à eux personnellement, ou à la société à laquelle ils appartiennent. Ainsi, sur le plan personnel, ce sont les risques reliés au système de santé, comme le temps d'attente dans les urgences ou le risque d'infection dans les hôpitaux, qui prennent le dessus.

Collectivement, par contre, les Québécois s'inquiètent davantage des risques liés aux infrastructures de transport, routes, autoroutes et viaducs.

Les auteures de l'enquête ont demandé aux répondants de se prononcer sur 30 sujets et enjeux d'actualité partout dans le monde, en y ajoutant des situations particulières au Québec. Le niveau de risque perçu pour chacun des sujets devait être évalué sur une échelle de 1 à 5 allant de négligeable (zéro), à très grand (5).

Les enjeux identifiés comme les plus préoccupants par les répondants sont, dans l'ordre, l'engorgement des urgences, l'état des ponts et des viaducs, la difficulté d'accéder aux services de santé et la hausse du coût de la vie.

L'exploration pour trouver du gaz de schiste vient assez haut dans liste, avant les préoccupations financières liées à la retraite, ce qui donne une idée de la tâche qui attend les promoteurs de l'industrie pour rallier les Québécois à leur cause. Les activités d'exploration pétrolière dans le Golfe Saint-Laurent est aussi jugée préoccupante, mais moins que la question du gaz de schiste.

L'enquête révèle aussi que plus les Québécois se préoccupent d'un enjeu, moins ils ont confiance au gouvernement pour trouver des solutions. À la veille d'une élection générale, ça peut donner matière à réflexion à ceux qui seront sur les rangs.

Tous ces enjeux ont été examinés sous différents angles, comme l'âge, le sexe et la langue d'usage. On y apprend aussi que les Québécois s'informent surtout à la radio et la télé, mais qu'ils accordent beaucoup de crédibitilité à la presse écrite payante. Cette mine de renseignements donne finalement une bonne idée de ce qui se cache derrière ce qu'on appelle l'opinion publique.

Perception des risques au Québec, Nathalie de Marcellis-Warin et Ingrid Peignier, Cirano, Presses internationales Polytechnique, 164 pages.