Elle est encore largement inconnue et ne génère pas un cent de profit. Mais après des années de travail, la petite boîte montréalaise Hopper s'apprête à sortir de l'ombre pour tenter un grand coup. Un coup comme on en voit peu dans le milieu technologique québécois.

L'entreprise veut s'imposer comme la «Google du voyage» avec un site web entièrement destiné aux voyageurs. Une inscription en Bourse, des dizaines de millions de visiteurs par mois, plusieurs centaines d'employés. D'ici quelques années, Hopper se voit carrément comme l'une des vedettes de la planète internet.

«On a l'argent, on a les contacts et on a l'expertise. Il n'y a aucune raison pour que ça ne marche pas», plaide le président, Frédéric Lalonde.

Bref, ce n'est pas l'ambition qui manque dans le loft qu'occupe l'entreprise dans une ancienne fonderie de Rosemont. Si M. Lalonde n'est pas le seul entrepreneur en ville à rêver de devenir le prochain Mark Zuckerberg, il figure sur le radar de bien des observateurs.

«Est-ce qu'ils vont livrer? On va le voir quand ils vont entrer sur le marché, mais le potentiel est grand», croit Jacques Bernier, associé principal du réservoir de capital-risque Teralys.

M. Bernier n'hésite pas à placer Hopper parmi les entreprises technos les plus prometteuses de la province. Ce qu'il aime: le profil des dirigeants et la qualité des investisseurs.

L'école Expedia

Il faut dire que Frédéric Lalonde n'en est pas à ses premières armes. En 2002, il vend sa première entreprise web, New Trade, au géant du voyage Expedia pour plusieurs dizaines de millions.

M. Lalonde se joint à Expedia, où il occupe un poste de vice-président. Après quatre ans, il quitte tout.

«Je voulais faire du snowboard, explique-t-il candidement. Ça faisait sept ans que je n'avais pas pris de vacances...»

La piqûre de l'entrepreneuriat le reprend rapidement. Avec Joost Ouwerkerk, un ancien de New Trade passé comme lui chez Expedia, et Sébastien Rainville, rencontré par l'entremise de contacts, il lance Hopper.

À la base de l'entreprise, un constat: malgré tous les outils offerts sur le web, planifier un voyage reste compliqué et nécessite la visite d'une myriade de sites.

Leur rêve: recueillir toute l'information relative au voyage, l'analyser et la livrer aux voyageurs sous forme simple.

Le projet est beaucoup plus ambitieux qu'il n'y paraît. De la photo d'une plage espagnole prise par un touriste au commentaire laissé sur un blogue à propos d'un hôtel en Thaïlande, Hopper veut recueillir la moindre info de voyage publiée sur l'internet, puis évaluer sa pertinence.

L'affaire requiert des capacités de calcul informatique qui ne sont même pas accessibles aux débuts de l'entreprise.

«On a acheté des morceaux d'ordinateurs, on les a montés dans des présentoirs Ikea... On s'est vraiment cassé les dents pendant deux ans», raconte M. Lalonde en montrant un bric-à-brac électronique qui traîne encore dans un coin.

Forts de leur feuille de route, M. Lalonde et son équipe récoltent néanmoins 2 millions auprès de Brightspark, un fonds de capital-risque canadien.

Arsenal technologique

En 2010, la technologie pouvant réaliser les ambitions de Hopper se démocratise. Les choses déboulent. Atlas Ventures, un fonds de capital-risque de Boston, mise sur la boîte. Une banque de Silicon Valley prête aussi 2 millions.

Hopper utilise le capital pour se monter un impressionnant arsenal technologique. «Bienvenue dans notre nouvelle machine à calculer», proclame Frédéric Lalonde en poussant la porte d'une salle qui sent encore le neuf et où la climatisation carbure à plein. Devant trônent des rangées d'armoires où sont cordés des centaines de microprocesseurs.

Chaque jour, ces processeurs balayent le web à la recherche de la moindre information de voyage. Des algorithmes complexes qui se corrigent eux-mêmes apprennent à départager la bonne information de la mauvaise et à la structurer.

«Telle photo d'un lac, on l'associe au bon lac. On met ensemble les photos, les commentaires et les prix des hôtels, des golfs, des croisières», illustre M. Lalonde.

Entre-temps, Hopper ouvre un bureau à Boston avec une intention claire: attirer les meilleurs de l'industrie. Contrairement à plusieurs jeunes entreprises, elle paie le prix pour les faire bouger.

Des anciens de Trip Advisor, notamment, font le saut. Jess McIsaac, ancienne directrice de l'expérience client chez Carbonite, fait de même.

«J'ai été impressionnée par l'équipe, la technologie, le niveau d'ambition, a confié Mme McIsaac à La Presse Affaires. J'ai senti que si ça marchait, le potentiel pouvait être énorme.»

Hopper prévoit lancer son moteur de recherche destiné au voyage dans la seconde moitié de cette année. Le nerf de la guerre sera simple: y faire converger les internautes.

«On veut bâtir une vraie entreprise de logiciels basée à Montréal avec des tentacules aux États-Unis, dit Frédéric Lalonde. On est persuadé que ça va marcher.»

À suivre...