Vieillissement de la population oblige, les besoins en main-d'oeuvre iront grandissant au Québec tout au long de la décennie, même si la création d'emplois sera anémique cette année.

Selon Emploi Québec, il y aura 1,4 million de postes à pourvoir d'ici 2020, dont 1,1 million seront des travailleurs à remplacer parce qu'ils auront quitté les rangs de la population active.

Or, les jeunes Québécois ne pourront à eux seuls suffire et l'immigration ne peut qu'en partie combler la carence prochaine.

La solution réside en grande partie dans la capacité de rétention des 55 ans et plus par leurs employeurs ou dans celle d'autres entreprises de les attirer. «Si le marché du travail avait tendance à grisonner, il se pourrait qu'on le voit blanchir davantage dans les prochaines années», écrit l'économiste Joëlle Noreau qui signe un dossier fouillé sur le marché du travail dans la livraison printanière de Perspective, le magazine trimestriel d'études économiques de Desjardins.

Pour mieux mesurer la mutation en cours, elle passe en revue les grands changements survenus depuis 35 ans dans toutes les sphères du marché du travail, depuis l'augmentation du nombre d'emplois, en passant par les variations des salaires et la composition de la population active.

Cela lui permet de mettre en relief les mutations en cours.

L'an dernier, la main-d'oeuvre de 55 ans et plus occupait 16,7% des emplois au Québec, un sommet historique, comparativement à 18,8% en Alberta et 20,2% en Saskatchewan.

Le taux d'emploi de cette cohorte au Québec est inférieur à celui de l'Ontario et de plusieurs autres pays de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), dont les États-Unis, le Japon, la Norvège ou la Suède. Bref, il peut être augmenté, celui des 64 ans et plus aussi.

C'est là une donnée encourageante quand on fait face à la rareté grandissante des travailleurs compétents ou aguerris.

Les travailleurs plus âgés occupent souvent des postes à temps partiel, plus par choix que par nécessité. On les retrouve aussi nombreux dans la catégorie des autonomes. Cette cohorte n'est pas homogène.

Alors que les entreprises avaient adopté des mesures incitatives pour pousser les plus expérimentés de leurs travailleurs à la retraite, elles doivent réapprendre à compter sur eux et leur ménager des accommodements.

Des changements à venir

À partir de 2014, la cohorte des 15 à 64 ans va diminuer. Elle comptera 76 000 personnes de moins en 2020 que six ans plus tôt. La solution réside avant tout dans l'augmentation du taux d'activité des personnes âgées de 15 ans et plus. S'il faut encourager les plus jeunes à persister dans la quête de diplômes, les besoins de main-d'oeuvre pourront être comblés en bonne partie par les travailleurs actuels. Ils doivent être incités à poursuivre leur vie professionnelle quelques années de plus qu'ils ne l'avaient envisagé. «Il n'y a pas de pénurie, mais la situation actuelle commande des changements», insiste l'économiste.

La rareté de la main-d'oeuvre facilitera en théorie l'obtention d'un emploi, mais l'adéquation n'est pas parfaite. «Le marché du travail sera accueillant, certes, mais il sera également exigeant, prévient Mme Noreau. Les percées technologiques et l'abandon de certaines activités feront en sorte que les compétences recherchées changeront dans le temps.»

La formation, le recyclage représentent donc des défis que devront relever à la fois l'État, les employeurs et les travailleurs désireux ou obligés de prolonger leur carrière.

Les difficultés de recrutement diffèrent beaucoup selon les industries. Ainsi, il y a plusieurs années déjà que le secteur agricole importe de la main-d'oeuvre saisonnière.

Dans l'enseignement, le nombre de postes à pourvoir excède celui des diplômés depuis trois ans déjà. Or, c'est un segment où la retraite se prend souvent très tôt.

«Certains secteurs d'activité recrutent avec peine, reconnaît l'économiste. Cependant, on constate que nombre d'entre eux sont à mettre en oeuvre des moyens pour y remédier. Une plus grande participation au marché du travail semble incontournable, en nombre et durée. Il est urgent d'agir afin d'éviter l'impasse.»