La somme déboursée par un pharmacien pour l'achat de certains médicaments génériques est passée de 54% à 30% du coût d'un équivalent breveté au cours des deux dernières années. Si ces économies ont jusqu'ici été relayées aux assurés de la Régie de l'assurance maladie du Québec (RAMQ), des réductions équivalentes se font toujours attendre du côté privé.

Cet état de fait a été confirmé à La Presse Affaires par plusieurs pharmaciens-propriétaires québécois, et attesté par Vincent Forcier, directeur aux affaires publiques de l'Association québécoise des pharmaciens-propriétaires (AQPP). «La baisse se reflète en partie dans le prix que les patients doivent payer, mais, oui, il est possible que les prix ne correspondent pas proportionnellement à la baisse», a-t-il dit en entrevue téléphonique.

Selon lui, la réduction du coût des médicaments génériques a engendré un manque à gagner pour les pharmaciens-propriétaires du Québec. En conséquence, les pharmaciens ajustent leurs prix en fonction de leur «réalité commerciale» et des «services» qu'ils doivent offrir.

Comme la RAMQ rembourse des honoraires fixes aux pharmaciens, ceux-ci se tournent vers les assureurs privés et leurs assurés pour éponger leurs pertes de revenus. «Le prix payé par le privé correspond peut-être plus à la réalité économique et aux services qui sont offerts que le prix payé par le gouvernement», ajoute Vincent Forcier.

En 2010, Québec prenait le pas de l'Ontario, et exigeait que le coût des médicaments génériques soit réduit à 25% de la valeur d'un équivalent breveté. Ainsi, depuis décembre 2010, le prix des médicaments génériques achetés des manufacturiers par les pharmaciens a progressivement baissé de 54% à 37,5%, puis à 30% en avril 2011. Il atteindra son prix plancher de 25% aujourd'hui même.

La mesure a doublement frappé les pharmaciens-propriétaires qui ont également eu à encaisser une réduction de l'allocation que leur versent les grossistes de médicaments. Alors que leur allocation se chiffrait à 20% du coût d'un médicament, elle se retrouve aujourd'hui réduite à 15%. Ainsi, pour un médicament générique qui coûtait environ 20$ en 2010, un pharmacien percevait une allocation de 4,80$. Pour le même médicament qui coûte aujourd'hui 10$, le pharmacien obtiendra désormais 1,50$ en allocations.

«Les pharmaciens aujourd'hui ne sont pas dans la misère et ne vont pas fermer leurs portes demain, mais ils font face à des enjeux économiques, reçoivent de plus en plus de pression sur les prix et ont une demande de plus en plus grande pour leurs services, explique Normand Cadieux, vice-président exécutif et directeur général de l'AQPP. À un moment donné, il faut équilibrer les deux.»

L'entente qui prévalait entre le gouvernement québécois et l'AQPP est échue depuis mars 2010. Depuis, l'organisme qui représente les pharmaciens-propriétaires du Québec souhaite notamment revoir la hauteur des honoraires versés par la RAMQ pour leurs services. «Il faudrait trouver une formule où les assureurs vont comprendre que ces services ont une valeur, ou bien les pharmaciens devront les facturer directement aux patients», ajoute Normand Cadieux.

Selon lui, le gouvernement attendrait l'élaboration des règlements en lien à la loi 41 avant de négocier avec l'AQPP. En vertu de cette loi, les pharmaciens pourront éventuellement renouveler une ordonnance et même prescrire certains médicaments, ajoutant ainsi du volume à leur panier de services. Il faudra toutefois attendre près d'une année avant que la règlementation entourant cette loi ne soit connue.