La guerre à l'évasion fiscale est loin d'être terminée. Mais les contribuables qui, en grande majorité, remplissent consciencieusement leur déclaration de revenus, ne seront pas harcelés. Revenu Québec se fait fort d'augmenter ses contrôles sur l'évasion fiscale tout en réduisant au minimum les tracasseries pour les contribuables qui, dans la très grande majorité des cas, font une reddition impeccable de leurs impôts, constate le président de la nouvelle agence, Jean St-Gelais.

C'était l'heure d'un premier bilan hier pour Revenu Québec, passé de ministère à agence, il y a un an. Pour l'année en cours, elle a atteint son objectif de 3 milliards à récupérer de l'évasion fiscale, comme l'avait annoncé La Presse hier. On prévoit ajouter 300 millions de plus pour chacune des deux prochaines années, pour récolter 3,3 et 3,6 milliards pour les années 2012-2013 et 2013-2014.

Selon M. St-Gelais, l'agence n'a pas pour autant l'intention d'être tatillonne avec l'ensemble des contribuables. «En Grèce, ne pas payer ses impôts est un sport national. En Norvège, personne ne paie comptant dans le but d'éviter les taxes... tout le monde se fait un point d'honneur de payer ses impôts. Le Québec est beaucoup beaucoup plus près de la Norvège que de la Grèce», illustre l'ancien patron de l'Autorité des marchés financiers.

Cette année, Revenu Québec met en place de nouveaux systèmes pour aider les contribuables et les sociétés à survivre à l'épreuve annuelle de la déclaration de revenus. Les services de renseignements téléphoniques seront accessibles jusqu'à 18h du 19 mars au 30 avril. Les services d'aide ImpôtNet seront aussi plus accessibles du 5 mars au 28 avril, on ouvrira le samedi de 8h30 à 16h30. Et le lundi 30 avril, ce service sera ouvert jusqu'à minuit. Revenu Québec ajoutera un nouveau centre d'appels en Mauricie. Pour le long terme, un comité sera formé à même le conseil d'administration pour veiller à l'amélioration des services aux contribuables et aux entreprises, pour cette organisation qui compte 11 000 employés, dont 1500 sont attachés à la lutte contre l'évasion fiscale.

Dans l'ensemble, 7,6 milliards sont théoriquement dus au fisc, mais environ 4,5 milliards sont encore récupérables - la différence consiste en créances auprès d'individus ou de sociétés non solvables.

De nouveaux stratagèmes sont apparus pour éluder l'impôt à payer, notamment grâce à une planification fiscale abusive où des sociétés envoient leurs profits dans des comptes à l'étranger. Pour M. St-Gelais, une nouvelle escouade vérifie que l'esprit de la loi est appliqué. Des causes iront probablement en Cour suprême, mais pour l'heure cette équipe a récupéré 80 millions dans la dernière année. La prolifération des agences de placement est aussi source d'inquiétude, mais on en est aux travaux d'approche dans les discussions avec les entreprises qui y ont recours pour trouver des mécanismes garantissant le paiement des taxes et des charges sociales, indique M. St-Gelais.

La guerre à la contrebande du tabac a permis de récupérer 200 millions de plus sur les deux dernières années, même si la consommation reste stable. Québec, selon M. St-Gelais, devrait y songer deux fois avant de hausser les droits sur le tabac, même si les groupes contre le tabagisme rappellent que c'est ici que les cigarettes sont les moins imposées au Canada. Par sa situation géographique, le Québec reste très vulnérable à un retour de la contrebande. Encore aujourd'hui, environ 20% des cigarettes vendues au Québec échappent au fisc, estime M. St-Gelais. Hier le ministre des Finances, Raymond Bachand, a calmé le jeu: pas question pour lui de hausser ces droits dans son prochain budget du 20 mars.

Pour la construction, Revenu Québec a récolté 29 millions lors d'une opération de contrôle réalisée cette année sur les grands chantiers dans le nord de la province. Une escouade est à pied d'oeuvre dans trois villes pour la rénovation résidentielle, mais il est trop tôt pour dévoiler des résultats, explique-t-il. C'est près de 1 milliard par année qui échappe au fisc dans le secteur résidentiel, estime Revenu Québec. Il faut ajouter 500 millions de plus si on tient compte du secteur non résidentiel.

Les mesures mises en place cette année, les 30 000 modules d'enregistrement des ventes déployés dans 18 000 restaurants, ont permis de récupérer 102 millions supplémentaires en taxes. Une fois atteint le rythme de croisière, ce sera 300 millions de plus par année dans les coffres de l'État, 2,3 milliards d'ici 2018-2019.