Vous avez pesté contre la dernière hausse de la TVQ? Ravalez vos critiques: ce mode de taxation est le moins dommageable pour l'économie, nettement moins que l'impôt sur le revenu.

C'est ce que conclut une étude de la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l'Université de Sherbrooke. Évidemment, une hausse d'impôts, quelle qu'elle soit, n'est pas de nature à stimuler l'économie, mais s'il faut choisir, ce sont les taxes à la consommation qui sont le moins dommageables, conclut l'étude.

À lire:

L'étude en ligne

Cahiers de recherche de la CFFP



Les chercheurs Matthieu Arseneau, Ngoc Ha Dao et Luc Godbout ont non seulement passé en revue les différentes études sur le sujet, qui convergent toutes vers cette conclusion. Ils ont également mesuré l'effet du type de taxation sur la croissance économique dans 21 pays de l'OCDE.

Essentiellement, les chercheurs ont comparé pour chaque pays le niveau d'impôt sur le revenu des particuliers avec le niveau de taxe à la consommation. Ces niveaux de taxation ont été pris en proportion du produit intérieur brut (PIB), c'est-à-dire par rapport à la production de l'ensemble des biens et services dans chaque économie. L'étude porte sur les données d'avant la crise de 2008.

Au Québec, par exemple, l'impôt sur le revenu des particuliers (fédéral inclus) équivalait alors à 14% du PIB, le 4e plus haut niveau du monde, après le Danemark et la Suède, entre autres. Les revenus tirés de la TPS/TVQ imposés aux Québécois représentaient par contre 5,5% du PIB, contre 7,4% en France ou 10,4% au Danemark.

Au Québec, le rapport entre les recettes d'impôt sur le revenu (14%) et celles tirées des taxes de vente (5,5%) est de 2,6, l'un des plus élevés du monde. Autrement dit, en 2007, le Québec se fiait beaucoup plus sur la première source de revenus que sur la seconde pour boucler son budget, bien davantage qu'ailleurs.

Les chercheurs ont mesuré ce dosage des impôts pour les 21 pays entre 1972 et 2007 et l'ont mis en parallèle avec leur croissance économique. Les résultats obtenus, statistiquement valables, sont étonnants: les pays qui ont eu davantage recours aux taxes de vente ont connu une meilleure croissance économique et vice versa.



511$ par habitant

Les chercheurs peuvent même quantifier l'effet d'un meilleur dosage des impôts. Par exemple, si le Québec réformait sa structure fiscale en augmentant sa taxe de vente d'environ un point de pourcentage (environ 1,5 milliard de dollars) tout en diminuant de façon équivalente les impôts sur le revenu, il obtiendrait un taux de croissance annuel de l'économie plus grand de 0,12% par année. Sur 10 ans, le PIB réel serait majoré de 4,3 milliards de dollars, ce qui augmenterait le niveau de chacun des habitants de 511$.

Évidemment, le contexte actuel ne se prête pas à un tel changement, puisque les Québécois viennent d'absorber deux hausses consécutives d'un point de la TVQ. «Mais le Québec a fait le bon choix en haussant sa TVQ plutôt que l'impôt sur le revenu», dit Luc Godbout, également professeur à l'Université de Sherbrooke.

Dans ce contexte, le gouvernement de Jean Charest a donc probablement pris la bonne décision en baissant les impôts de 950 millions en 2008 et en haussant récemment la TVQ.

L'effet contreproductif de forts taux d'imposition sur le revenu explique ces résultats, selon M. Godbout. En effet, pour chaque nouveau dollar de salaire gagné par un Québécois de la classe moyenne, les gouvernements en prennent environ la moitié. Ces prélèvements sur le revenu gagné pénalisent les travailleurs et les démotivent à être plus productifs.

À ceux qui critiquent les taxes à la consommation pour leur effet régressif sur les démunis, Luc Godbout rétorque qu'en pratique, les nombreux produits exemptés de la TVQ au Québec (logements, nourriture, transport en commun) font en sorte qu'elle ne nuit pas davantage aux pauvres qu'aux riches.

Deux bémols aux résultats. D'abord, une hausse de la taxe de vente doit tenir compte des politiques des voisins, comme l'Ontario et les États-Unis. Une taxe trop forte inciterait les consommateurs à acheter ailleurs.

Ensuite, l'étude comprend plusieurs pays européens qui comptent un grand nombre de touristes (France, Italie, Grèce, etc.). Leur fort taux de taxe de vente permet de faire payer aux touristes certains de leurs services plutôt qu'aux travailleurs avec l'impôt sur le revenu, ce qui ne peut être le cas au Québec.