Le Québec a soudainement découvert au début des années 1980 qu'il était une pépinière d'entrepreneurs créatifs et audacieux avec l'entrée en Bourse des Bombardier, Quebecor, Cascades, Groupe Jean Coutu et autres Transcontinental. Trente ans plus tard, un nouveau Québec inc. est en train de prendre forme avec l'arrivée d'une garde montante - plus discrète et résolument plus anonyme - d'entrepreneurs et de gestionnaires tout aussi créatifs que leurs prédécesseurs, mais davantage animés par la volonté de rayonner à l'extérieur du Québec.

La naissance du Québec inc. dans les années 1980 a coïncidé avec l'arrivée en Bourse, de 1983 à 1987, de plus de 200 entreprises québécoises qui avaient jusque-là financé leur développement de façon on ne peut plus traditionnelle, c'est-à-dire par endettement bancaire.

Au plus fort de la récession de 1981-82, les entreprises québécoises versaient en paiements d'intérêt jusqu'à 85% de leurs profits avant impôts, alors que cette ponction était de 25%, cinq ans plus tôt.

«Il n'y avait pas beaucoup de sources de financement alternatives, se rappelle Jacques Ménard, qui était à l'époque à la tête du courtier Burns Fry. Avec la mise en place du Régime d'épargne actions, le financement par actions est devenu un moyen extrêmement efficace d'aller chercher des capitaux pour les entreprises québécoises.»

En devenant des sociétés inscrites en Bourse, obligées de dévoiler leurs résultats trimestriels et de convoquer des assemblées annuelles, ces entreprises sont devenues publiques. Ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

«La majorité des entreprises du nouveau Québec inc. ne cherchent pas à devenir publiques. Elles ont accès à des sources multiples de capital de risque, de capital de départ et de développement, à des fonds de travailleurs ou à du financement bancaire à bon prix», poursuit le président de BMO Groupe financier, Québec.

La nouvelle génération d'entrepreneurs et d'entreprises qui sont déjà bien établis ou en voie de le devenir présente aussi des caractéristiques qui lui sont propres.

«Des entreprises telles que Le Cirque du Soleil, Aldo ou le Groupe Lallemand sont nettement plus orientées vers l'international. Le Groupe Sanimax, de la famille Couture, poursuit son développement continental.

«Même chose avec Lassonde qui attaque le marché américain ou Simons qui va ouvrir ses nouveaux magasins à l'extérieur du Québec. La minière Osisko qui vient tout juste d'être créée a réussi en cinq ans à lever 1 milliard et à lancer son projet de mine d'or à Malartic. Ce sont des entreprises qui ont du chien et dont la pérennité est moins problématique que celle de la génération précédente», souligne-t-il.

Eric Boyko, président de Stingray Digital et membre militant du nouveau Québec inc., partage la vision de Jacques Ménard, mais déplore le manque de visibilité de la nouvelle génération d'entrepreneurs.

«Ils dirigent des entreprises privées et plusieurs veulent demeurer privés. C'est dommage parce qu'on entend peu parler d'eux et de leur entreprise alors que leur succès pourrait avoir un effet d'émulation auprès des jeunes et de toute la population du Québec», expose Eric Boyko.