La firme d'huissiers Paquette et associés récupérera les 4,5 millions de dollars qu'elle a dû avancer pour rembourser la somme qu'elle avait illégalement placée dans du papier commercial, en 2007, et qui était due à des créanciers de Ronald Weinberg dans le cadre du règlement de la poursuite de Cinar contre son fondateur.

C'est un groupe de six assureurs, dont les huissiers étaient directement ou indirectement clients, qui ramassera la note, a tranché le juge Jean-Yves Lalonde, de la Cour supérieure, dans une décision rendue ces derniers jours et que La Presse Affaires a obtenue.

Les assureurs refusaient d'indemniser Paquette et associés pour plusieurs raisons, notamment parce que la firme a violé la loi en toute connaissance de cause, disent-ils, en investissant le fruit de la saisie de deux maisons de Weinberg - 4,5 millions - dans des placements non autorisés.

Enchevêtrement de recours

La Cour a confié l'argent aux huissiers en 2006 en attendant la résolution de la poursuite de plus de 100 millions de Cinar contre Weinberg. Ce litige était le coeur d'un enchevêtrement d'autres recours qui se sont poursuivis en parallèle pendant des années.

À la demande d'un des créanciers hypothécaires de Weinberg, ADR Capital, Paquette et associés a investi les 4,5 millions afin qu'ils produisent un rendement. L'argent a été remis à la Financière Banque Nationale, qui a placé le magot dans un véhicule réputé sûr à l'époque: du papier commercial adossé à des actifs (PCAA).

Contre toute attente, une semaine avant le début de l'audition de la poursuite, en février 2008, Cinar et Weinberg ont annoncé une entente à l'amiable.

Dès lors, l'argent en principe détenu par les huissiers pouvait être distribué aux créanciers. Mais, problème de taille, le marché des PCAA s'est effondré et tous les placements ont été gelés à l'échelle de la planète.

Des décisions subséquentes du juge Lalonde, confirmées par la Cour d'appel, ordonnent tout de même à Paquette et associés de remettre l'argent et tiennent la firme directement responsable de «l'indisponibilité» des 4,5 millions parce qu'ils ont été investis en violation des dispositions du Code civil et du Code de procédure civile.

Grevée par diverses saisies, dont les maisons et les comptes en banque de ses associés, la firme d'huissiers a emprunté 4,5 millions en mai 2009, les a remis à Cinar et ADR, puis s'est tournée vers ses assureurs.

Dans sa décision, le juge Lalonde n'est pas tendre envers ces derniers. «Le tribunal perçoit... un comportement répréhensible des assureurs qui ont placé leur intérêt commercial au-dessus de ceux des assurés.»

Pour le magistrat, il ne fait pas de doute que Paquette et associés a commis une erreur en acceptant d'investir dans les PCAA, mais également que cette faute ou omission commise de bonne foi est couverte par son assurance responsabilité.

Joint par La Presse Affaires, l'avocat des assureurs, Alain Létourneau, a indiqué qu'il a recommandé à ses clients de porter le jugement en appel. La décision sera prise d'ici le 12 janvier, a-t-il dit.

Le représentant de Paquette et associés, Guy Pepin, se dit déçu de cette éventualité «mais pas inquiet».