Vous êtes un investisseur boursier et souhaitez lire des rapports d'analystes en français sur des entreprises qui vous intéressent ?

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Peine perdue. De tels rapports publiés en français sont pratiquement inexistants dans le milieu boursier au Québec, a constaté La Presse Affaires.

Cette absence vaut autant pour les principales firmes de courtage d'origine québécoise, comme Valeurs mobilières Desjardins et la Financière Banque Nationale, que pour leurs concurrentes torontoises ou américaines, dont l'anglais est la langue de travail.

L'absence de rapports d'analystes en français concerne autant des entreprises québécoises connues, comme Bombardier, Couche-Tard, Cascades et CGI, par exemple, que l'ensemble des entreprises canadiennes et américaines.

«Je suis un client de Disnat (courtier à escompte de Desjardins) et les commentaires des analystes sur les compagnies sont uniquement en anglais. C'est un manque de respect de sa clientèle en majorité francophone», lit-on dans un des courriels reçus par La Presse après ses révélations sur l'unilinguisme anglophone de certains hauts dirigeants dans des grandes sociétés financières dirigées à Montréal, dont la Banque Nationale et la Caisse de dépôt et placement.

Vérifications faites dans le milieu boursier, Disnat et Valeurs mobilières Desjardins ne font pas exception : elles publient aussi leurs rapports d'analystes seulement en anglais.

En fait, leurs principaux concurrents québécois (Financière Banque Nationale et son affilié Courtage direct, Valeurs mobilières Banque Laurentienne et l'Industrielle- Alliance Valeurs mobilières) ont tous adopté la même pratique.

Investisseurs institutionnels

Interpellés par La Presse Affaires, les porte-parole des principaux courtiers québécois ont la même explication: les rapports d'analystes sur les entreprises sont destinés surtout à la clientèle d'investisseurs institutionnels, qui serait largement anglophone et située hors Québec.

Chez Desjardins, le principal porte-parole, André Chapleau, explique que « les rapports d'analystes sont rédigés en anglais pour les investisseurs institutionnels parce que la vitesse d'exécution est importante dans ce milieu. Ces rapports doivent être exacts, mais aussi produits en temps opportun par rapport aux concurrents de VMD. »

À la Financière Banque Nationale , les « analystes rédigent leurs rapports pour une clientèle cible qui est majoritairement anglophone », confirme Claude Breton, directeur des affaires publiques.

Les courtiers québécois estiment que les investisseurs francophones d'envergure constituent une part trop restreinte de la clientèle cible des rapports d'analystes pour justifier leur publication en français.

Au mieux, pour les particuliers-investisseurs, certaines firmes traduisent des résumés de ces rapports qu'ils diffusent ensuite parmi leurs représentants au Québec et dans les relevés de compte périodiques des clients.

« Les investisseurs boursiers n'ont pas vraiment le choix de lire des rapports d'analystes et de s'informer en anglais. Presque tout se passe en anglais dans la finance et à la Bourse », selon Gladys Caron, vice-présidente aux communications de la Banque Laurentienne.

Malaise

À l'Office québécois de la langue française, toutefois, on s'étonne de la publication de rapports d'analystes uniquement en anglais par les courtiers québécois.

« Cette pratique pourrait contrevenir à l'obligation des entreprises à produire en français les documents qui servent à leurs clients au Québec. Nous pourrions demander des correctifs », selon Martin Bergeron, porte-parole de l'Office.

En cas de récidive ou de refus, rappelle-t-il , le certificat de francisation d'une entreprise peut être suspendu. Cette sanction déclenche l'exclusion des appels d'offres et des programmes d'aide financière du gouvernement du Québec.

Parmi les investisseurs boursiers d'importance à Montréal, les rapports d'analystes, même ceux employés par des courtiers québécois, suscite un certain inconfort, a constaté La Presse Affaires.

«Le français est notre langue de travail et même si la majorité des responsables du placement sont bilingues, nous préférons que les rapports d'analystes nous soient transmis en français. Nous encourageons les courtiers québécois à le faire », commente Patrick McQuilken, porte-parole du Fonds de solidarité FTQ, .

À la Caisse de dépôt et placement, qui est l'un des plus importants investisseurs boursiers au Canada, on dit préférer les rapports d'analystes rédigés en français.

Toutefois, la Caisse utilise peu ces rapports offerts par des firmes du Québec ou de l'extérieur, précise le porte-parole, Maxime Chagnon.

La Caisse mise sur la « recherche propriétaire », c'est-à-dire celle réalisée par la quarantaine d'analystes et d'économistes qu'elle emploie.

Ces gens travaillent surtout à Montréal et ils préparent leurs rapports «en français » pour l'usage interne et exclusif de la Caisse et ses filiales, selon son porte-parole.

Les analystes chez les courtiers québécois

FINANCIÈRE BANQUE NATIONALE (FBN, Courtage direct)

- 31 analystes, dont 11 à Montréal, 15 à Toronto et 5 à Calgary.

- 278 entreprises suivies, dont 49 québécoises.

VALEURS MOBILIÈRES DESJARDINS (VMD, Disnat)

- 14 analystes, dont 5 à Montréal, 6 à Toronto et 3 à Calgary.

- 141 entreprises suivies, dont 37 québécoises .

VALEURS MOBILIÈRES BANQUE LAURENTIENNE (VMBL)

- 7 analystes, dont 6 à Montréal et 1 à Toronto.

- 51 entreprises suivies, dont 21 québécoises.

INDUSTRIELLE-ALLIANCE VALEURS MOBILIÈRES (IAVM)

- 5 analystes, dont 4 à Montréal et 1 à Toronto.

- Environ 40 entreprises suivies de petite capitalisation.

Ces données ont été fournies par les entreprises