Plus de 2000 restaurateurs du Québec n'ont toujours pas installé leur module d'enregistrement des ventes, alors qu'à compter de ce mardi, des inspecteurs de Revenu Québec pourront émettre des constats d'infraction aux contrevenants.

À compter du 1er novembre, tous les restaurateurs devront non seulement remettre une addition à leurs clients, mais aussi produire ces factures à l'aide du Module d'enregistrement des ventes fourni par Revenu Québec. Cette mesure sert à contrer l'évasion fiscale par le non-paiement des taxes.

Au cours d'une rencontre avec la presse, lundi, dans un restaurant de Montréal, le ministre des Finances et du Revenu, Raymond Bachand, a prévenu qu'il n'y aurait pas de passe-droit pour les contrevenants, qui savent depuis longtemps que la mesure entrera en vigueur le 1er novembre.

«C'est une question de justice fiscale entre citoyens et de justice commerciale entre commerçants. Quand vous êtes commerçant et que votre concurrent fraude le fisc - ce qui est le plus choquant et que les gens ne savent pas, c'est que parfois vous pensez payer la taxe de vente puisqu'elle est sur votre facture, mais quand le commerçant la met dans sa poche, ça ne se rend pas à Revenu Québec -, ça veut dire que le commerçant, lui, se retrouve avec un concurrent qui met la taxe de vente dans sa poche, qui déclare moins de ventes, donc paie moins d'impôts et moins d'heures travaillées, fait travailler les gens au noir, donc ils sont moins protégés», a déploré le ministre Bachand.

Les inspecteurs devraient effectuer 450 inspections par semaine, à commencer par Montréal et Québec. L'amende minimale sera de 2000 $, mais elle pourra atteindre 100 000 $. Et le système de pénalité prévoit une infraction par addition, et non une infraction par restaurant ou par journée. La facture peut donc grimper rapidement, a souligné Marc Simard, directeur de la recherche en technologies liées au contrôle fiscal.

Revenu Québec espère récupérer ultimement 300 millions par année grâce à ces Modules d'enregistrement des ventes.

Le gouvernement a investi 100 millions dans la mesure, puisque c'est lui qui subventionnait les restaurateurs pour installer les modules. Le ministre Bachand prévoit que ces investissements seront donc remboursés, par la récupération des impôts dus, dès la fin de la deuxième année.

Environ 17 000 restaurateurs sont inscrits au Québec et, d'après le ministère, il y aurait 21 500 restaurateurs. Selon le ministre, «à peu près 2000 seront délinquants» à compter de demain (mardi) et environ 2500 autres soit ne sont plus ouverts, soit sont des restaurants saisonniers qui ne rouvriront que le printemps prochain.

Il ne faut pas conclure que ces 2000 retardataires se verront nécessairement servir l'amende minimale de 2000 $. Les inspecteurs devront passer et évaluer la situation, a précisé M. Bachand.

Certains restaurateurs opposés à la mesure prédisaient la fermeture de plusieurs établissements à cause de cette obligation d'installer un tel module. Le ministre Bachand n'y croit guère. Avec une pointe de sarcasme, il a plutôt envisagé quelques cas de restaurants qui vont mystérieusement fermer leurs portes pour «rénovation» pendant trois mois et qui vont rouvrir avec un chiffre d'affaires nettement plus élevé, en prétendant que cette augmentation du chiffre d'affaires a été engendrée par les rénovations et non par la déclaration maintenant complète de toutes leurs ventes.

Réactions

Présent à la conférence de presse, le président de l'Association des restaurateurs du Québec, François Meunier, a trouvé louable le principe de lutter contre l'évasion fiscale dans la restauration, mais estime que le moyen choisi pour y parvenir est tout de même «lourd».

«On a corrigé un peu la frustration de l'industrie en mettant en place un programme de subvention qui vise à compenser sommairement l'industrie, mais il est clair que pour beaucoup de restaurateurs, il était essentiel qu'on travaille à combattre l'économie souterraine, parce que ça fait de la concurrence déloyale, de la compétition qui n'est pas saine. Il était temps que l'on fasse quelque chose.»

M. Meunier se demande aussi du même souffle pourquoi Revenu Québec n'a ciblé que la restauration, dans le domaine du commerce de détail, et non la coiffure ou les garages d'entretien automobile.

Fait à noter, l'expérience du Québec intéresse plusieurs États américains et même la Bavière, a noté le ministre Bachand.