La commission Charbonneau permettra de redorer l'image du génie-conseil au Québec, affirme le grand patron de Genivar, l'une des plus importantes firmes de cette industrie au Québec. Pierre Shoiry a cependant été le seul haut dirigeant de cette industrie à saluer la décision du gouvernement Charest, hier, car aucune autre entreprise de génie civil ou de construction n'a voulu commenter le dossier.

Joint à New York par La Presse Affaires, Pierre Shoiry, président de Genivar, a accueilli favorablement l'annonce de la création d'une commission d'enquête sur l'industrie de la construction.

«Je pense que tout geste et toute action du gouvernement qui permettront de redonner confiance à la population à l'endroit des firmes de génie-conseil québécoises sont positifs en soi», a-t-il affirmé.

Genivar [[|ticker sym='T.GNV'|]] est l'un des plus gros acteurs de cette industrie au Canada, avec 4700 employés. Elle n'a pas échappé aux allégations de collusion au cours des derniers mois. En mars, le ministère des Transports l'a disqualifiée d'un appel d'offres qu'elle sollicitait en partenariat avec Dessau.

On a accusé le consortium d'avoir eu des contacts avec un autre soumissionnaire dans ce projet, le Groupe Stavibel.

L'entreprise a contesté cette décision en Cour supérieure, et gagné sa cause. Le juge a conclu que le consortium n'aurait pas dû être disqualifié et sa soumission a été déclarée conforme et évaluée par le comité de sélection du ministère des Transports.

«C'est une belle profession qui a été passablement ternie au cours des dernières années. On a toujours été en faveur de mesures qui peuvent en redorer le blason», a dit M. Shoiry.

Mutisme

Les autres entreprises spécialisées dans les travaux publics sont toutefois restées beaucoup plus discrètes, hier. La Presse Affaires a pris contact avec une douzaine de sociétés de génie-conseil et de construction, hier. Et hormis Génivar, aucune n'a accepté de commenter la décision du gouvernement Charest.

La plus importante firme de génie-conseil au Québec, SNC-Lavalin, n'a pas donné suite à notre demande d'entrevue. Cette entreprise s'est récemment retrouvée au cœur d'allégations de corruption au Bangladesh. Le mois dernier, son grand patron, Pierre Duhaime, s'est interrogé sur la crédibilité du rapport Duchesneau, qui fait état du gonflement du coût des travaux routiers au Québec et de l'infiltration du crime organisé dans la construction.

Roche, dont le siège social se trouve à Québec, n'a pas rappelé La Presse Affaires non plus. En février, la vice-présidente de cette société et un autre employé ont été arrêtés par l'escouade Marteau. Ils ont été accusés de fraude et de corruption pour leur rôle dans l'attribution de contrats à Boisbriand.

Axor, qui a plaidé coupable l'an dernier à 40 violations à la Loi électorale pour avoir utilisé des prête-noms afin de financer illégalement des partis politiques, n'a pas rappelé La Presse Affaires. Même silence chez Cima", SM et Dessau.

Les entreprises de construction n'ont guère été plus loquaces. Constructions Louisbourg n'a pas donné suite à la demande d'entrevue de La Presse Affaires. Vendredi dernier, la Régie du bâtiment a soutenu que l'homme d'affaires Tony Accurso, qui contrôlait l'entreprise jusqu'à récemment, avait fait de fausses déclarations concernant le bilan des accidents de travail. Le dossier a été soumis au Directeur des poursuites criminelles et pénales.

La Régie menace de suspendre les licences de Constructions Louisbourg et de Simard-Beaudry, qui se sont aussi reconnues coupables de fraude fiscale et de nombreuses infractions à la Loi sur la santé et la sécurité du travail.

Catania, l'entreprise qui s'est trouvée au cœur du scandale du Faubourg Contrecœur, à Montréal, n'a pas commenté la décision du gouvernement Charest. La firme s'est retirée des travaux publics plus tôt cette année pour se concentrer sur la construction résidentielle.

Cintra et Soter, deux entreprises qui raflent plusieurs contrats publics, n'ont pas donné suite à nos demandes non plus.

L'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec, qui regroupe 2500 entreprises actives dans les marchés publics, estime que la commission Charbonneau permettra d'améliorer l'image de la construction.

«Je ne vous dis pas que toute l'industrie de la construction est irréprochable, affirme sa directrice, Gisèle Bourque. Mais, selon nous, la majorité des entrepreneurs au Québec sont d'honnêtes citoyens. Il s'agit d'en avoir quelques-uns qui ont eu des écarts de conduite pour entacher la réputation de tous les autres.»

«Il faut être bien conscient que les dossiers qui font la manchette, c'est moins de 5% des entreprises qui mobilisent l'opinion publique sur l'ensemble du secteur de la construction», renchérit Paul-Émile Lizée, directeur de l'Association patronale des entreprises en construction du Québec, qui regroupe davantage des entreprises en bâtiment.

La commission Charbonneau annoncée mercredi par le gouvernement Charest déçoit l'Ordre des ingénieurs du Québec, qui aurait souhaité une enquête avec plus de mordant. Sa présidente, Maud Cohen, estime qu'une enquête qui ne peut forcer personne à témoigner n'aura pas la même force de frappe qu'une commission d'enquête en bonne et due forme. «Une commission aurait permis de rétablir les faits de façon plus correcte, d'identifier les individus qui ont à l'être et aider à les mettre à l'écart », dit-elle. Mme Cohen souligne que c'est la profession d'ingénieur dans son ensemble qui a été éclaboussée par les allégations de collusion et de corruption au cours des derniers mois, alors que la très vaste majorité des travailleurs de ce secteur sont parfaitement honnêtes. L'Ordre compte participer à la commission malgré tout.