La Banque mondiale vient de suspendre le financement d'un pont au Bangladesh, le temps d'éclaircir des allégations de corruption impliquant SNC-Lavalin (T.SNC), plus importante firme d'ingénieurs québécoise.

Le prêt de 1,2 milliard de dollars promis par la Banque mondiale (BM) doit financer le chantier du pont de 6,5 km, le plus long du pays. Le pont enjamberait le fleuve Padma (appelé Gange en amont, en Inde) au sud de Dacca, capitale du Bangladesh.

Dans son numéro du 8 octobre, le Daily Star de Dacca donne un aperçu de l'enquête réalisée par la BM. Des représentants d'une firme appartenant à un influent ministre bangladais auraient eu des tractations avec des entreprises souhaitant construire le pont.

Ces représentants auraient promis de leur accorder le contrat en échange de commissions. «Plus tôt cette année, le gouvernement [du Bangladesh] a envoyé une liste de cinq soumissionnaires préqualifiés à la BM, pour avoir son autorisation», indique le journal.

«Parmi eux, le plus bas soumissionnaire était la société canadienne SNC-Lavalin. Néanmoins, la BM n'a pas encore approuvé la liste. Les autorités canadiennes mènent une enquête de corruption sur SNC-Lavalin, à la suite d'une plainte déposée par la BM.»

«Nous n'irons pas de l'avant [avec le financement] tant que nous ne serons pas pleinement satisfaits quant aux allégations de fraude et de corruption», a écrit la directrice de la BM pour le Bangladesh, Ellen Goldstein, dans un courriel envoyé à l'Agence France-Presse.

Le 1er septembre, la Gendarmerie royale du Canada a exécuté des mandats de perquisition dans les bureaux de SNC-Lavalin de la région d'Oakville-Mississauga (près de Toronto, en Ontario), dans le cadre de cette enquête de corruption au Bangladesh.

«Il n'y a pas de faits nouveaux de notre côté et nous n'avons été informés d'aucun résultat en lien avec l'enquête externe qui a eu lieu», a indiqué hier Leslie Quinton, vice-présidente des communications de SNC, dans un courriel envoyé à La Presse.

«Nous poursuivons notre enquête interne, mais n'avons rien à déclarer pour le moment. Nous prenons cette situation très au sérieux puisque nous avons une politique de tolérance zéro à l'égard des comportements non éthiques.»

Le groupe SNC-Lavalin s'est retrouvé au premier plan de l'actualité, il y a deux semaines, lorsque son grand patron, Pierre Duhaime, a critiqué le rapport Duchesneau sur la collusion et la corruption dans le secteur de la construction au Québec.

Ce rapport évoque le rôle des firmes de génie-conseil dans le système de collusion et de corruption. «Chez SNC-Lavalin, ça n'existe pas», a martelé M. Duhaime, sans préciser à quoi il faisait référence.

Ce n'est pas la première fois que SNC-Lavalin se trouve sous les feux de la rampe pour ses activités à l'étranger. En 2004, elle a été la première firme occidentale d'importance à être sanctionnée pour fraude par une grande agence internationale finançant le développement dans les pays pauvres.

L'Asian Development Bank, soutenue en partie par le gouvernement canadien, avait banni deux filiales de SNC-Lavalin de ses projets de développement, parce qu'elles avaient remis des documents mensongers visant à obtenir un contrat routier au Laos.

En 2009, les autorités anticorruption de l'Inde ont accusé SNC-Lavalin et l'un de ses anciens dirigeants, à la suite d'une enquête de corruption pour des projets hydroélectriques. Selon le Central Bureau of Investigation, organisme indien chargé de lutter contre la corruption, l'ancien ministre de l'Énergie de l'État du Kerala a fomenté avec ses fonctionnaires «une conspiration criminelle avec un vice-président directeur de SNC-Lavalin» pour forcer l'attribution d'un contrat à la firme.

En février dernier, enfin, le quotidien RueFrontenac.com a révélé que SNC-Lavalin avait obtenu un contrat de 275 millions de dollars du gouvernement du dictateur Mouammar Kadhafi pour construire une prison de 275 millions de dollars en Libye.