Au moment où les chantiers se multiplient au Québec, les fabricants des fameux cônes orange se livrent une concurrence féroce. Tellement que le prix de ces balises routières a chuté de presque 40% au cours des dernières années.

La construction connaît une période faste, mais Pierre Galarneau est loin de rouler sur l'or. Le directeur général de la Société de services en signalisation SSS, établie à Laval, affirme que son entreprise doit travailler plus fort que jamais pour ses bénéfices, même si les cônes orange foisonnent comme jamais auparavant.

«Le marché est bien, il y a beaucoup de travaux partout, mais il n'y a pas beaucoup de profits, indique M. Galarneau. Il y a beaucoup de compétition, beaucoup de baisses de prix.»

La Société de services en signalisation SSS est un sous-traitant spécialisé dans la déviation de la circulation. Elle fabrique ses propres cônes orange, qu'elle loue ou vend à des entreprises qui décrochent des contrats publics. Ses équipes d'ingénieurs et de techniciens offrent aussi un service «clés en main» pour les déviations ou les fermetures de routes. L'entreprise est notamment active dans l'échangeur Décarie et sur l'autoroute 40.

Une invention québécoise

Le «T-RV-7» n'est pas un nom très connu dans nos chaumières, mais les automobilistes peuvent en apercevoir tous les jours. Dans le jargon du ministère des Transports, c'est le nom qu'on donne à ce cylindre aux rayures orange et blanches, supporté par une base de caoutchouc.

C'est la société Trafic Innovation qui a été la première à commercialiser ce type de balise, en 1999. À cette époque, on utilisait une feuille d'aluminium dressée sur un poteau d'acier pour dévier la circulation aux abords des chantiers.

Le modèle mis au point par Trafic Innovation a l'avantage de mieux résister aux collisions et d'être visible de tous les côtés. Il est donc possible de le voir même s'il a été déplacé par un contact avec une voiture. Le prototype est vite devenu la balise de choix du ministère des Transports.

«On a commencé avec une trentaine d'unités sur un chantier à Montréal-Est, relate Serge Daigneault, qui a lancé Trafic Innovation, mais qui a depuis quitté l'entreprise. La deuxième année, on en a produit 1000. Et la troisième année, on en a produit 45 000!»

Or, Trafic Innovation, dont le président Marc Laforce n'a pu être joint hier, n'a jamais breveté son invention. Et depuis, d'autres entreprises québécoises ont commencé à fabriquer leurs propres versions du «T-RV-7».

Les prix baissent

Résultat: les prix baissent. Il y a quelques années, un «T-RV-7» se détaillait aux alentours de 125 $, relatent deux entrepreneurs spécialisés dans le domaine. Aujourd'hui, la Société de services en signalisation SSS les vend entre 75 $ et 85 $ l'unité, selon la taille de la commande. C'est une chute d'environ 40%.

La raison est simple, estime Pierre Galarneau: la concurrence est devenue beaucoup plus forte. Typiquement, explique-t-il, des entrepreneurs généraux qui sollicitent des marchés publics vont demander des prix à leurs sous-traitants avant de proposer leur soumission. Mais une fois qu'elles décrochent le contrat, elles leur demandent un nouveau prix. La concurrence joue donc deux fois plutôt qu'une.

«À un moment donné, ça devient indécent, déplore M. Galarneau. Souvent, nous, on décroche complètement parce que ça ne vaut pas la peine de donner notre chemise pour aller travailler.»

Serge Daignault a quitté Trafic Innovation, mais il a quelques idées pour expliquer la chute des prix. Selon lui, les cônes se détaillaient plus cher auparavant parce que son entreprise devait absorber des coûts de recherche et développement. Par ailleurs, l'appréciation du dollar canadien a fait baisser le coût d'une matière essentielle à la fabrication du «T-RV-7», la pellicule réfléchissante.

M. Daignault a récemment breveté une nouvelle invention, un dispositif qui permet de déployer les cônes orange plus rapidement sur un chantier. Il entend commercialiser son nouveau bébé dans les prochains mois.