Le député François Bonnardel demande au conseil d'administration de Loto-Québec de revoir la décision de la société d'État de rester dans les casinos français jusqu'en 2015 dans l'espoir de récupérer sa mise.

«Quand on a plus de 50 millions de pertes (sur papier) sur un investissement de 85 millions, je pense que le conseil d'administration doit s'interroger», dit, au téléphone, le député de Shefford et porte-parole de l'Action démocratique du Québec en matière de finances publiques. «D'abord, est-ce que ça fait partie de la mission de Loto-Québec de s'éparpiller à l'extérieur du Québec? Puis, est-ce qu'on doit continuer (les activités) qui semblent vouées à l'échec à long terme dans un marché de plus en plus difficile? C'est sain et normal dans toute entreprise privée - et on doit le faire aussi dans les entreprises publiques - de revoir les investissements qui ne fonctionnent pas.»

En 2005-2006, Loto-Québec, par sa filiale Casino Mundial, a investi environ 85 millions de dollars pour acquérir 35% du capital-actions de JoaGroupe, troisième exploitant de casinos en importance dans l'Hexagone. Loto-Québec a dévalué ce placement de plus de 50 millions en 2010. Au 31 mars 2011, il est évalué à 57,6 millions, en hausse de 4,6 millions en un an.

Loto-Québec s'est lancée à la conquête de la France en 2002 dans le but de renouer avec la croissance qu'elle ne connaît plus sur son territoire de monopole, où ses principaux produits sont arrivés à maturité.

Bilan décevant

Après bientôt 10 ans, le bilan de l'aventure Loto-Québec sur le Vieux Continent déçoit M. Bonnardel.

Au départ, Loto-Québec tentait de remporter des appels d'offres concernant la construction de nouveaux casinos à Toulouse et à Lille. Sans succès. «On s'est rendu compte qu'il fallait être Français pour gagner des appels d'offres», admettait candidement le patron de la société d'État, Alain Cousineau, en commission parlementaire, en avril 2010.

En 2005-2006, changement de stratégie, Loto-Québec s'associe au groupe britannique Bridgepoint pour mettre la main sur le troisième acteur en importance Moliflor, devenu JoaGroupe, dans une industrie fragmentée ayant un grand potentiel de consolidation. Un achat avec un très gros levier financier. La première année a été profitable puis, à partir de 2008, les problèmes ont déboulé: interdiction du tabac, récession mondiale et, dernièrement, légalisation des jeux en ligne, d'où la dévaluation de son placement.

Dernier rebondissement dans ce feuilleton, en juin 2010, Casino Mundial a dû injecter 7,4 millions dans JoaGroupe à la demande de ses financiers dans le cadre d'une restructuration de dettes. «Dans les prochaines années, est-ce que les banquiers vont demander encore une fois (à Bridgepoint et Casino Mundial) de remettre de l'argent?», s'inquiète François Bonnardel.

Dans son plan stratégique 2010-2013, Loto-Québec a comme objectif de faire passer la valeur de réalisation du placement dans JoaGroupe à 70 millions d'euros au 31 mars 2015. «Nos partenaires (Bridgepoint) sont intéressés et ils ne quitteront pas le bateau tant et aussi longtemps qu'ils n'auront pas récupéré l'ensemble de leur mise, et, avec eux, on pense qu'on peut récupérer l'ensemble de notre mise», a dit Alain Cousineau en commission parlementaire le 13 avril dernier.