Réduite par 10 au cours de la dernière décennie, l'industrie québécoise de l'animation à la télé et au cinéma sonne l'alarme. Un nouveau regroupement d'entreprises, l'Alliance Québec Animation, veut organiser des états généraux pour «remettre sur pied ce joyau québécois», qui doit notamment se battre contre ses concurrents du Canada anglais qui traduisent leurs émissions en français pour le Québec.

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La production québécoise d'émissions et de films d'animation est passée de 200 millions de dollars en 1999-2000 à 20 millions en 2009-2010, selon une étude de Deloitte pour le compte de l'Alliance Québec Animation que La Presse Affaires a obtenue.

Alliance Québec Animation, regroupement d'une vingtaine de studios et de producteurs québécois créé le mois dernier, veut organiser des états généraux sur son industrie d'ici un an.

«On doit faire renaître cette industrie. Les émissions d'animation sont encore ce qui se vend le mieux à l'étranger, mais encore faut-il les produire ici», dit Marie-Claude Beauchamp, présidente d'Alliance Québec Animation.

Au nombre des enjeux les plus criants: les réseaux de télé qui achètent des séries d'animation au Canada anglais pour ensuite les faire traduire en français. «Ça leur permet de respecter leur quota de contenu canadien au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC)», dit Marie-Claude Beauchamp, qui est aussi présidente du producteur montréalais d'animation CarpeDiem.

Selon l'étude de Deloitte, le nombre d'heures d'animation produites au Québec est passé de 110 à 33 entre 2004-2005 et 2009-2010. Le nombre de productions québécoises est passé de 27 à 11 entre 1999-2000 et 2009-2010. La durée moyenne d'une production québécoise d'animation est passée de 330 minutes à 182 minutes entre 2004 à 2010. Les chiffres d'Alliance Québec Animation comprennent seulement les productions locales, pas la sous-traitance pour des producteurs étrangers.

Les chiffres du début des années 2000 sont toutefois gonflés par les productions d'animation de CINAR, dont les revenus annuels étaient de 148 millions en 2000. Fleuron de l'industrie dans les années 90, CINAR a été condamnée pour utilisation de prête-noms et son cofondateur Ronald Weinberg est actuellement accusé d'une fraude 120 millions de dollars.

Selon l'Alliance Québec Animation, le scandale CINAR n'explique pas la chute dramatique de leur industrie. «Il y avait d'autres entreprises qui auraient pu prendre la relève de CINAR», dit Marie-Claude Beauchamp.

La technologie d'animation numérique a considérablement réduit les coûts d'une série ou d'un film d'animation au cours des dernières années. Mais cette percée technologique n'explique pas tout. Selon l'Alliance Québec Animation, les budgets des émissions jeunesse des diffuseurs ont été réduits. «Les chaînes de télé ont eu des contraintes financières, dit Marie-Claude Beauchamp. Comme la publicité est interdite au Québec dans les émissions jeunesse, ce n'est pas le créneau le plus payant. Des réseaux publics comme Radio-Canada et Télé-Québec tentent de faire leur part, mais ils doivent devenir plus performants et achètent des productions étrangères qu'ils font doubler. Ou ils achètent des émissions du Canada anglais pour les faire traduire.»

Radio-Canada, TELETOON et Télé-Québec sont les principaux acheteurs de séries d'animation, en grande majorité pour leur public jeunesse. Radio-Canada n'était pas en mesure de divulguer hier ses budgets d'émissions d'animation pour la dernière décennie. Parmi les trois émissions d'animation jeunesse les plus populaires à Radio-Canada, une seule a été conçue au pays. Avec une cote d'écoute moyenne de 92 000 téléspectateurs, Les aventures de Tintin ont été conçues en anglais à Toronto puis traduites pour la télé francophone. L'émission québécoise d'animation avec les meilleures cotes d'écoute à la SRC, Chop Suey Trio, attire en moyenne 69 000 téléspectateurs.

Au cours de la prochaine année, l'Alliance Québec Animation veut organiser des états généraux avec des représentants de l'industrie et des gouvernements. «Les Français ont fait le même exercice il y a 10 ans, dit Marie-Claude Beauchamp. Ils ont adopté des quotas et un meilleur système de financement des diffuseurs. Il faut une volonté politique d'appuyer notre industrie comme le Québec a fait avec son industrie des jeux vidéo. Présentement, nous sommes financés par projet. Comme l'industrie des jeux vidéo, nous pourrions plutôt être financés par entreprise.»

L'Alliance Québec Animation compte notamment parmi ses membres fondateurs Kiwi Animation (Et Dieu créa... Laflaque), Écho Média (Vie de quartier) et Toon Boom Animation, concepteur montréalais de logiciels d'animation utilisés notamment par les créateurs des Simpson.