Le grand patron de Cascades, Alain Lemaire, a lancé mardi un cri du coeur contre le «négativisme» qui condamne plusieurs projets d'investissements, y voyant une menace à l'avenir économique du Québec.

Les divers groupes de pression mènent actuellement les entrepreneurs québécois et les promoteurs «par le bout du nez», a dénoncé M. Lemaire à la tribune des Manufacturiers et exportateurs du Québec.

Par la suite, lors d'une rencontre avec les médias, le dirigeant a expliqué qu'il faisait allusion à la piètre réception réservée à plusieurs grands projets au cours des dernières années, que ce soit l'exploitation du gaz de schiste, l'érection de barrages hydroélectriques, le développement de mines, le déménagement du Casino de Montréal ou la construction de routes.

«Il faut voir ce qui se passe ailleurs, a-t-il déclaré. Pourquoi est-ce qu'ici, faire un projet, (...) ce n'est pas perçu positivement alors qu'ailleurs, ça l'est? Est-ce parce qu'ailleurs, les gens sont moins informés ou parce qu'ils sont plus réceptifs à la création de richesse? (...) Est-ce parce qu'ici, on met trop en évidence le côté potentiellement dangereux des projets? Peut-être est-ce qu'on fait de la démagogie? Sûrement.»

Alain Lemaire n'a pas hésité à y aller de propos cinglants. «Au Québec, on ne veut même pas qu'il se fasse des barrages parce qu'on va tuer trois ou quatre saumons. (...) Ça coûte cher, prendre tout ça en considération. Je ne dis pas qu'il ne faut pas le faire, mais il faut faire attention. Il y a une limite à mettre des bâtons dans les roues.»

À ses yeux, les gouvernements doivent aussi faire leur examen de conscience. «Pourquoi une analyse environnementale prend-elle trois mois aux États-Unis et qu'ici, c'est deux, trois ans? Ce n'est pas normal. Il y a quelque chose qui se passe qui n'est pas sain pour notre futur.»

M. Lemaire a estimé que de nombreux Québécois étaient «gâtés» et qu'ils avaient «plus de facilité à critiquer qu'à trouver des solutions», une attitude qui pourrait, selon lui, inciter des investisseurs potentiels à tourner le dos à la province.

«On sait que nos gouvernements sont très attentifs à toute petite levée de boucliers qui pourrait ternir leur image un peu. Il va falloir faire attention, parce que si on se fait une réputation de gens qui ne veulent pas recevoir des investissements de l'extérieur, ou que même des investissements d'entreprises purement québécoises ne sont pas bienvenus, c'est sûr qu'on va se tourner vers d'autres régions qui sont très, très affamées», a-t-il affirmé.

Alain Lemaire a admis que certains promoteurs vendaient mal leurs projets. Que ce soit parce qu'elle s'y prend mieux à cet égard ou qu'elle a bonne réputation du fait qu'elle se spécialise dans les produits fabriqués à base de matières recyclées, Cascades n'a pas encore été confrontée elle-même à ce scepticisme, a convenu son pdg.

L'entreprise tient à rester fortement implantée dans la province qui l'a vue naître. Mais ce n'est pas chose facile. Dans le secteur d'activité de Cascades, les coûts de main-d'oeuvre sont 50 pour cent plus élevés au Québec qu'aux États-Unis, a soutenu M. Lemaire.

«Au Québec, on est habitués d'avoir la gratuité (des services), a-t-il déploré. Il va falloir se détacher de ça, autrement on ne pourra pas survivre d'une façon mondiale. J'ai très peur de ça.»

L'avenir de Cascades

Face à la hausse substantielle du prix des fibres recyclées et à la flambée du huard, Cascades doit actuellement réévaluer l'ensemble de ses activités. De nouvelles ventes d'actifs sont sérieusement envisagées. Des fermetures d'usines ne sont pas exclues.

«Quand on fait ce genre d'exercice-là, il n'y a pas de chasses gardées, a relaté Alain Lemaire. Il faut repartir à zéro. (...) On n'est plus capables de générer suffisamment de profits pour penser positivement notre développement.»

Après avoir vendu, le mois dernier, sa filiale de fabrication d'emballages pour la restauration rapide, Cascades se demande si elle doit abandonner d'autres secteurs d'activité afin de se concentrer sur ceux qui apparaissent les plus prometteurs. La remise en question pourrait même aller plus loin.

«Est-ce qu'on doit se diversifier, changer de secteur? a demandé M. Lemaire. On a déjà des intérêts dans (le producteur d'électricité) Boralex (TSX:BLX). Est-ce qu'on doit être encore plus présents dans l'énergie? Est-ce qu'on doit être dans le plastique? Est-ce qu'on doit se diriger vers les services? Parce que si on ne peut plus créer de richesse avec le manufacturier, eh bien il va falloir penser à faire autre chose.»

L'action de Cascades a clôturé à 7,36 $ mardi, en baisse de 0,5 pour cent, à la Bourse de Toronto.