Si on se fie aux statistiques, ça ne va pas trop mal au Québec. Après avoir mieux traversé la récession que les autres provinces canadiennes, l'économie québécoise a repris un rythme de croissance modéré peut-être, mais qui s'annonce durable.

«Le Québec a certains atouts que d'autres provinces n'ont pas», explique Carlos Leitao, économiste en chef de la Banque Laurentienne. L'économie québécoise est plus diversifiée, moins dépendante d'un seul secteur, comme l'auto en Ontario ou le pétrole en Alberta, précise-t-il.

C'est ce qui explique que la récession a fait moins mal au Québec. En 2009, l'économie américaine a reculé de 2,6% et le Canada, de 2,5%. Au Québec, le recul du Produit intérieur brut n'a été que de 0,3%.

Le Québec a donc entamé un nouveau cycle de croissance avec un déficit moins élevé que celui de l'Ontario, et il mettra moins de temps à l'éliminer.

C'est un bon point pour le Québec, selon Carlos Leitao. Un autre bon point, c'est que les dépenses d'infrastructures des gouvernements sont arrivées au moment idéal pour soutenir la croissance.

Les travaux publics ont créé des emplois et contribuent encore à l'amélioration du marché du travail, qui ne s'est jamais aussi bien porté depuis le milieu des années 70. Le taux de chômage du Québec est inférieur à celui de l'Ontario et devrait le rester pour les deux prochaines années.

Derrière ces chiffres optimistes se dissimulent toutefois des problèmes de fond qui hypothéqueront la croissance à moyen terme.

Le dynamisme actuel de l'économie québécoise repose en bonne partie sur l'investissement public, que ce soit les travaux d'infrastructures ou les investissements d'Hydro-Québec.

Le Québec a peut-être moins souffert de la récession, mais ses contribuables restent les plus endettés et les plus taxés au Canada, ce qui limite leur capacité à dépenser pour continuer d'alimenter la croissance.

Aussi, la société québécoise est celle qui vieillit la plus vite au Canada, ce qui posera des problèmes pour le financement des programmes sociaux et le remboursement de la dette.

Enfin, quand il se compare avec les autres provinces canadiennes sur la base de sa capacité à générer de la richesse, le Québec a encore du progrès à faire. La province reste celle qui reçoit le plus de paiements fédéraux de péréquation, dont l'objectif est de distribuer la richesse entre les provinces.

Productivité et endettement

La liste des défis à relever pourrait s'allonger. Carlos Leitoa en retient deux principaux : la productivité et l'endettement.

L'augmentation de la productivité est absolument nécessaire, selon lui. Ultimement, c'est le maintien de notre niveau de vie qui en dépend. Encourager l'investissement est une mission importante du gouvernement fédéral.

«Il faut que les entreprises investissent et se donnent de meilleurs outils, mais on doit aussi repenser la façon dont on produit et les marchés qu'on cible», dit-il.

L'économiste de la Banque Laurentienne croit lui aussi qu'il est important pour le Canada de cibler d'autres marchés que celui des États-Unis.

«Les États-Unis sont en train de se transformer, explique-t-il. Ils passeront d'une croissance basée sur la consommation, à une croissance de plus en plus basée sur l'investissement et l'exportation. Ça veut dire qu'ils achèteront moins de bois d'oeuvre et moins d'automobiles.» Il faut s'ajuster à ça.

L'autre écueil important, pour Carlos Leitao, est l'endettement des ménages. Il faudra revenir à des taux d'intérêt plus «normaux» et réduire l'accès au crédit, notamment en obligeant les banques à être plus sévères pour accorder des prêts.

Le gouvernement doit s'imposer la même discipline, ce qui est une nécessité pour le Québec, qui est très endetté, comme pour le Canada, qui l'est moins.

«Ce qui est important, ce n'est pas aujourd'hui, c'est demain. Il faut être en mesure de faire face à une autre récession - et il y en aura d'autres - et pour ça, il faut se donner une marge de manoeuvre.»

Le Québec prévoit un retour à l'équilibre budgétaire en 2014. Le Canada, de son côté, pense pouvoir éliminer son déficit en 2015, mais il pourrait le faire plus rapidement s'il renonçait à certaines dépenses prévues dans le dernier budget.

«Si j'étais le roi du Canada, blague Carlos Leitao, c'est sûr que je réduirais le déficit plus rapidement que ce qui est prévu.»