Personne n'en doute, la Caisse de dépôt a eu de bons résultats en 2010. Ce que la Caisse ne dit pas, toutefois, c'est qu'une part de ces rendements s'explique par la simple application de règles comptables. Voici pourquoi.

Pour bien comprendre, il faut faire un retour en arrière. Il y a deux ans, la Caisse avait blâmé les normes comptables pour justifier ses mauvais rendements (-25%). En vertu de ses normes, la Caisse devait évaluer ses actifs à leur juste valeur marchande (mark-to-market en anglais).

À l'époque, en plein coeur de la crise, l'application de ces normes avait été désastreuse pour la Caisse, notamment pour l'immobilier et les placements privés. L'institution devait alors inscrire dans ses livres la valeur à laquelle elle aurait pu vendre ses biens au 31 décembre 2008, dans un contexte où personne n'était acheteur. Combien vaut un immeuble à revenus que personne ne veut?

Comme méthode alternative, la Caisse devait additionner les entrées de fonds futures de ses immeubles, le cas échéant, et en actualiser la valeur en fonction des taux d'intérêt. Le hic, c'est que les écarts de taux d'intérêt avaient bondi avec la crise, avec pour effet de faire fondre la valeur actualisée des fonds futurs. Bref, la Caisse avait dû dévaluer massivement des placements à long terme.

«Nous aurions eu un tout autre portrait s'il avait été possible d'évaluer ces placements en fonction de leur horizon de détention (à long terme)», avait expliqué l'ex-PDG, Fernand Perreault. Selon le gestionnaire, 56% des 40 milliards de dollars de pertes de l'époque s'expliquaient par ces pertes sur papier, soit 22,4 milliards.

La situation est tout autre aujourd'hui. Les paramètres financiers ont radicalement changé, favorisant la Caisse. Ainsi, sur les gains nets de 17,7 milliards de la Caisse de 2010 (+13,6%), les deux tiers s'expliquent par ces «plus-values non matérialisées», soit des gains sur papier de 11,6 milliards.

Dans son communiqué de cette semaine, la Caisse ne dit pas un mot de ces gains sur papier, alors qu'il était abondamment question des pertes sur papier il y a deux ans.

Joint au téléphone, le premier vice-président des initiatives stratégiques de la Caisse, Bernard Morency, reconnait que ce phénomène a influencé positivement les résultats de la Caisse cette année. Il précise toutefois que le redressement sur papier des actifs n'est pas seulement attribuable aux changements des paramètres financiers.

Selon lui, la hausse de la valeur des actifs de la Caisse s'explique surtout par l'augmentation réelle des profits des entreprises, en particulier dans le secteur des placements privés et des infrastructures. «Les profits des entreprises dans lesquelles on a des participations ont augmenté. Ces entreprises ont pu réduire leurs dettes et assainir leur bilan. Leur situation s'est vraiment améliorée, ce qui a fait grimper leur valeur», dit-il.

Bernard Morency donne l'exemple de BAA (aéroport Heathrow de Londres) et de Quebecor Media. Cette dernière a vu ses profits augmenter de 14%. Dans l'ensemble des placements privés de la Caisse, les profits ont bondi de plus de 10%, dit-il.

Bernard Morency ajoute que, dans ce contexte, l'effet de levier a été favorable. Il a aidé à obtenir les excellents rendements de 26,7% dans le secteur des placements privés et de 25,4% dans celui des les infrastructures.

Quoi qu'il en soit, la Caisse aura eu le mérite de ne pas vendre, durant la crise, ses immeubles et placements privés qui étaient fortement dépréciés. Ce sont ces actifs qui, aujourd'hui, ont repris leur valeur et permettent à la Caisse de bien paraître.

En rétrospective, le portrait n'était probablement pas aussi sombre en 2008, comme il n'est pas aussi rose aujourd'hui. Pour avoir l'heure juste, il faut analyser les placements sur le long terme, soit cinq ans ou plus, en particulier pour l'immobilier et les infrastructures.