Les organisations patronales sont catégoriques: il n'est pas question de modifier la loi anti-briseurs de grève sans réviser le Code du travail dans son ensemble.

Le milieu des affaires accumule depuis des années les doléances face au régime syndical québécois. L'Institut économique de Montréal a apporté de l'eau à leur moulin, hier, en publiant une étude qui le qualifie d'«anomalie à corriger». Ses représentants comptent bien le rappeler aux élus lors de la commission parlementaire qui se penchera à compter d'aujourd'hui sur l'encadrement des briseurs de grève.

«Il n'y a pas lieu de modifier le Code du travail en ne regardant qu'un aspect, celui des travailleurs de remplacement, affirme Yves-Thomas Dorval, président du Conseil du patronat du Québec. Quand on regarde les faits, il n'y a eu aucun avantage, si ce n'est de causer plus d'emmerdement aux employeurs que dans d'autres juridictions.»

Son organisme souhaite que le gouvernement révise une série de règlements qui guident les relations de travail. En premier lieu, celui qui permet à des travailleurs d'obtenir une accréditation syndicale sans devoir tenir un vote secret. Récemment, les employés d'un dépanneur Couche-Tard de Montréal se sont dotés d'un syndicat. Pour y parvenir, la majorité d'entre eux ont signé une carte. Aucun scrutin n'a été tenu.

Le milieu des affaires exige aussi des changements sur la tenue des votes de grève. Actuellement, seuls les travailleurs qui sont membres d'un syndicat peuvent y participer. Et aucune tierce partie ne vérifie les résultats des scrutins.

Autre exigence patronale: l'abolition de la formule Rand. Cette pratique, qui consiste pour un employeur à prélever les cotisations syndicales de ses employés à même leur chèque de paie, a été rendue obligatoire en même temps que l'adoption de la loi anti-briseurs de grève en 1977.

«On est dans une économie mondialisée, dit Denis Hamel, vice-président affaires publiques de la Fédération des chambres de commerce du Québec. Nos concurrents ne sont pas les usines de l'autre bord de la rue. C'est plutôt la Chine, les États-Unis. Toute disposition dans le Code du travail ou au niveau fiscal qui nuit à la compétitivité devrait être revue.»

De vieilles demandes, dénonce la CSN

Ces demandes n'ont rien de nouveau, affirme la présidente de la CSN, Claudette Carbonneau. Selon elle, le milieu des affaires «joue au Bonhomme Sept-Heures» comme il l'a fait lorsque le gouvernement Lévesque a révisé le Code du travail pour imposer la formule Rand et la loi anti-briseurs de grève.

«Ils ont crié au loup en 1977 en disant que ça allait conduire à de l'abus syndical, que ça allait débalancer l'économie générale du travail, affirme-t-elle. Or, depuis 30 ans, les travailleurs ont maintenu leur pouvoir d'achat en fonction de l'inflation. Toute la richesse qui s'est créée depuis ce temps n'est pas retournée dans les poches des travailleurs.»

Un mandat précis

La commission parlementaire sur l'emploi et le travail entendra des syndicats, des organisations patronales et des chercheurs à compter de ce matin. Elle remettra par la suite des recommandations au gouvernement, mais celui-ci n'aura pas l'obligation d'en faire un projet de loi.

Certaines organisations patronales affirment que la refonte de la loi anti-briseurs de grève créera un déséquilibre dans le monde du travail, convient le président de la commission, le député libéral François Ouimet. Mais il n'entend pas réviser le Code du travail dans son ensemble.

«L'approche que nous avons, c'est de moderniser les dispositions qui sont déjà prévues au Code du travail, dit-il. On ne veut pas ajouter de nouvelles conditions. Ce qu'on veut vérifier, c'est si elles sont toujours d'actualité, à savoir si la lettre de la loi reflète toujours l'esprit qui animait le législateur à l'époque.»