La signature d'un traité de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne serait néfaste pour le Québec, qui verrait s'effriter sa souveraineté économique, conclut une étude de l'Institut de recherche en économie contemporaine (IRÉC).

D'après l'organisation, les modalités d'un éventuel traité pourraient emprisonner les gouvernements dans «une logique du plus bas soumissionnaire» et donc réduire leur marge de manoeuvre en ce qui concerne le développement des régions, la protection de l'environnement ou la promotion de certaines valeurs sociales.

Le premier jet de l'entente de libre-échange, qui est actuellement négociée derrière des portes closes, interdit en effet aux provinces, aux municipalités et aux sociétés d'État de favoriser les entreprises locales ou d'imposer aux entreprises étrangères des obligations différentes de celles imposées aux compagnies nationales.

«Dans un contexte de crise économique, les règles interdisant les opérations de compensation et de non-discrimination réduiraient l'efficacité de la politique budgétaire des provinces», écrivent les chercheurs.

Ils soulignent entre autres que sa mise en oeuvre aurait rendu impossible l'octroi du contrat des wagons du métro de Montréal à un consortium formé de Bombardier et d'Alstom, ce qui aurait privé le Bas-Saint-Laurent de dizaines d'emplois.

L'institut se dit d'autre part sceptique quant aux bienfaits de la libéralisation des marchés publics pour la population. Ses chercheurs affirment que les ententes sont généralement conçues sur mesure pour les entreprises privées et qu'en plus, leurs retombées ne sont pas réparties équitablement entre les partenaires et dans les régions impliquées.

«Il n'a pas été démontré que la libéralisation des marchés publics fasse augmenter le bien-être économique des sociétés», font-ils valoir.

D'après eux, les pays où les coûts d'exploitation et les salaires sont faibles seront favorisés dans l'octroi de contrats, au détriment des travailleurs syndiqués de pays plus riches comme le Canada et l'Allemagne, par exemple.

«Pour les syndicats canadiens et européens, il y a un danger de nivellement par le bas en matière de normes sociales», peut-on lire dans le rapport de 45 pages publié lundi.

L'IRÉC dit souhaiter que la version la plus récente des textes de l'accord soit publiée rapidement afin que les chercheurs et la population puissent en mesurer les implications.

Les négociations en vue d'un accord de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne ont commencé en 2009 et, d'après les échos relayés par les médias, une entente pourrait être conclue dès cette année.

L'IRÉC a été fondé en 1999 par l'ancien premier ministre du Québec, Jacques Parizeau, qui le voyait comme un réservoir d'idées nouvelles sur la société, dans un contexte où le discours dominant ne parlait que de réduction de la taille de l'État. L'objectif était aussi d'opposer une voix québécoise et crédible à celles des «think thank» canadiens anglais comme l'Institut C.D. Howe, le Conference Board du Canada et l'Institut Fraser.

L'Institut ne cache pas son opposition à la mondialisation des marchés qui «affaiblit le pouvoir des États et la capacité des gouvernements à intervenir et à résoudre les problèmes causés par la libéralisation».

Son conseil d'administration regroupe des gens d'affaires ainsi que des chercheurs et des leaders du monde syndical et du monde politique.

Au fil des ans, l'IRÉC a publié des rapports et mémoires sur des sujets aussi divers que le transport collectif, l'énergie, le financement des universités, les régimes de retraite et la forêt. L'organisation a en outre créé deux indices boursiers regroupant des entreprises du Québec, l'IQ30 et l'IQ150.