Sans que ça fasse grand bruit, les taxes scolaires au Québec ont augmenté de près de 350 millions de dollars depuis 2001-2002. La ponction fiscale a été plus douloureuse pour les propriétaires fonciers de l'île de Montréal qu'ailleurs en province. Ceux-ci se trouvent à avoir essuyé le tiers de la facture ou 115,5 millions. Cette iniquité découle des modifications à la loi sur l'instruction publique de décembre 2006.

Bien qu'on s'y intéresse moins qu'aux taxes municipales, les taxes scolaires occupent un champ de plus en plus imposant dans le budget des contribuables. Les revenus de taxation scolaire sont passés de 1046,9 millions, en 2001-2002, à 1392,7 millions, en 2009-2010, soit une augmentation 345,8 millions en huit ans.

L'augmentation des taxes est causée par le boom immobilier qui a propulsé à la hausse la valeur des propriétés foncières.

Le taux de taxation étant plafonné à 0,35$ par 100$ d'évaluation, la hausse des valeurs fait en sorte que les commissions scolaires vont en chercher plus dans les poches des propriétaires. Le gouvernement provincial fixe, par règlement, le produit maximal pouvant être tiré de la taxe scolaire.

Quand le produit maximal dicté dépasse les revenus de taxation pouvant être perçus au taux plafonné de 0,35$, le gouvernement provincial comble l'écart en versant aux commissions scolaires une subvention de péréquation.

Les commissions scolaires de l'île de Montréal n'ont plus droit à la subvention de péréquation depuis l'année 2004-2005. Cette année-là, qui coïncide avec l'entrée en vigueur d'un nouveau rôle d'évaluation, les revenus de taxation scolaire ont bondi de 55 millions en un an, ou 18%. «Nous avions demandé des mesures pour limiter l'impact de la hausse sur les contribuables montréalais, mais le ministère de l'Éducation avait refusé», rappelle Sylvie Dorion, directrice générale du Comité de gestion de la taxe scolaire de l'île de Montréal, organisme qui représente les cinq commissions scolaires de l'île.

À l'époque, les Montréalais pouvaient prendre leur mal en patience en se disant que tôt ou tard les banlieues et les autres villes d'envergure de la province perdraient à leur tour leur subvention de péréquation en raison de l'expansion de leur richesse foncière.

Mais Québec a changé les règles du jeu en 2006. Il a modifié la Loi sur l'instruction publique pour ménager les impacts sur le compte de taxes scolaires découlant de l'entrée en vigueur d'un nouveau rôle d'évaluation. Entre autres mesures, il a limité l'augmentation des revenus de taxation à la variation moyenne des dépenses des commissions scolaires, soit environ 4% par année.

Cette disposition a pour effet de retarder considérablement dans le temps la perte de la subvention de péréquation aux commissions scolaires de l'extérieur de l'île de Montréal. Celles de l'île de Montréal n'en profitent aucunement parce qu'elles avaient déjà perdu leur subvention avant les modifications législatives.

Nous avons calculé que les propriétaires de l'île auraient économisé 208 millions en taxes scolaires si la limite de 4% des augmentations de taxes avait été mise en vigueur en 2003-2004 au lieu de l'année 2007-2008.

On ne peut pas changer le passé. Conséquence: les Montréalais ont absorbé 33% de l'augmentation des taxes scolaires depuis 2001-2002, soit plus que le poids de la valeur imposable du parc immobilier de l'île qui se situe à 25% de la valeur des immeubles imposables de tout le Québec. Il s'agit d'un déplacement du fardeau fiscal dont font les frais les propriétaires de l'île.