Les conseillers financiers ont vu leur cotisation au fonds d'indemnisation de l'Autorité des marchés financiers tripler depuis l'affaire Norbourg. Les quelque 48 000 détenteurs de permis sont les seuls à contribuer à ce fonds qui affichait un déficit de 27,5 millions au 31 décembre 2009.

Les conseillers ont plusieurs récriminations à faire au fonds de l'AMF. Pas étonnant de les voir appuyer la proposition de créer un nouveau fonds d'indemnisation, formulée par un groupe d'experts qui a reçu l'appui d'une kyrielle d'organisations, dont le Regroupement indépendant des conseillers de l'industrie financière (RICIFQ).

Cette organisation regroupe entre 600 et 800 conseillers sur un bassin potentiel de 32 000 professionnels des services financiers.

Selon son porte-parole, Léon Lemoine, les cotisations au fonds d'indemnisation sont passées de 60 à 80$ en 2007, selon les disciplines assujetties, à 240$ et 260$ cette année.

«Le fonds proposé aujourd'hui a pour objectif de rétablir la confiance des investisseurs en élargissant leur protection contre la fraude financière», a dit M. Lemoine, au téléphone. La proposition a aussi le mérite d'éviter aux seuls conseillers de renflouer le fonds d'indemnisation. Selon nos calculs, chaque détenteur de permis devra débourser environ 600$ pour combler le déficit de 27,5 millions. Le fonds est déficitaire depuis que l'AMF, gestionnaire du fonds, a décidé d'indemniser partiellement les détenteurs des fonds Évolution dans l'affaire Norbourg en leur versant 31 millions en 2007. La loi prévoit que le déficit doit être renfloué en cinq ans.

Fabien Major, conseiller en sécurité financière, aimerait que les amendes perçues par l'AMF soient versées au fonds d'indemnisation. «Pourquoi cet argent ne sert-il pas à renflouer les victimes?» se demande le président du cabinet Major Gestion d'actifs. Le butin va plutôt à l'éducation des investisseurs et sert à financer des initiatives de lutte contre les crimes financiers. De 2007 à février 2010, l'AMF a imposé pour plus de 81 millions en amendes et elle en a perçu un peu de plus de 74 millions.

Au-delà de la question de l'utilisation des amendes, les conseillers trouvent l'actuel fonds d'indemnisation des services financiers foncièrement inéquitable. «C'est comme si on demandait aux seuls vendeurs de voitures de contribuer au fonds d'assurance automobile, au lieu des usagers», dit Yves Bonneau, rédacteur en chef depuis 1999 du magazine Conseiller, une publication spécialisée à l'intention des professionnels de la finance. Il a critiqué à maintes reprises dans le passé l'AMF et son fonds d'indemnisation. Le fonds de la SAAQ est financé par les usagers de la route, tandis que le fonds de l'AMF est alimenté uniquement par les conseillers financiers. Selon ce qui a été proposé hier, le nouveau fonds serait financé principalement par les investisseurs à raison d'une cotisation d'assurance de 0,50$ par 1000$ investis. Les conseillers continueraient de le financer, mais à des montants ressemblant à ceux qu'ils payaient avant le scandale Norbourg. Le fonds serait géré indépendamment de l'AMF.

«C'est une très bonne idée. Je pense que le ministre des Finances devrait prendre la balle au bond, poursuit M. Bonneau. Et si le gouvernement libéral a du mal à se faire du capital politique, c'est un très beau moyen pour le gouvernement de prendre une initiative qui va toucher tout le monde et ramener une certaine confiance dans le public», ajoute-t-il.