Après avoir vu sa masse salariale bondir de 20% en deux ans, la Ville de Montréal veut resserrer la gestion des régimes de retraite de ses employés. Elle va aussi supprimer 200 postes de cadres d'ici 2013.

«Il faut repenser nos régimes de retraite dans le futur, affirme le directeur des ressources humaines de la Ville, Jean-Yves Hinse. Est-ce qu'ils correspondent encore à la réalité d'aujourd'hui?»

La Ville vient d'embaucher un actuaire pour l'aider à réviser la manière dont les employés profiteront de leur caisse de retraite. Elle songe à modifier l'âge d'admissibilité à la retraite. Car actuellement, certains travailleurs quittent leur emploi après 30 ans de service à l'âge de 50 ans, et jouissent d'une rente équivalente à une large portion de leur salaire jusqu'à leur décès.

«On essaie de trouver un juste équilibre entre ce que la Ville est prête à consentir en termes de régime, ce que les employés sont prêts à payer, indique M. Hinse. Et la conséquence de cela, c'est quel est l'impact sur le compte de taxes.»

L'administration Tremblay a haussé le fardeau fiscal des Montréalais de 6% en 2010, et de 4,3% cette année. À cette dernière augmentation s'ajoute une contribution de 45$ pour chaque véhicule immatriculé dans l'île de Montréal.

Ces deux mêmes années, la masse salariale de la Ville a bondi de 20%. Les cadres et contremaîtres recevront cette année 46 millions de plus qu'en 2009. Les professionnels et cols blancs coûtent 112 millions plus cher. Les cols bleus sont augmentés de 46 millions, les policiers de 132 millions, et les pompiers de 37 millions.

Mauvais rendements

En présentant son budget, début décembre, le maire a affirmé que la hausse de taxes est directement liée au rendement des caisses de retraite de la Ville.

Les fonds de retraite ont été frappés de plein fouet par la crise boursière de 2008. Elles ont perdu 2,3 milliards, soit 18% de leur valeur. L'impact budgétaire est énorme pour la Ville, puisque la loi l'oblige à renflouer les pertes.

La Ville va d'ailleurs entreprendre des démarches pour convaincre Québec et Ottawa de la soustraire à la loi qui oblige les employeurs à renflouer les caisses de retraite. Cette loi a été conçue pour que les fonds de retraite soient solvables même si une entreprise fait faillite, explique M. Hinse. Or, souligne-t-il, la municipalité ne peut déclarer faillite.

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Notre méthode

Avec l'aide de l'économiste Jean-Pierre Aubry, fellow associé au centre de recherche CIRANO, La Presse Affaires a compilé les salaires, les avantages sociaux et les charges sociales de chaque grande ville québécoise.

Les cas de Montréal et de Longueuil sont particuliers, car leurs employés fournissent des services à des villes défusionnées, qui paient en retour une quote-part à l'agglomération. Un policier du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), par exemple, peut être affecté à un poste de quartier situé à Pointe-Claire.

La Ville de Montréal ne peut dire avec précision combien d'employés sont affectés aux services locaux et combien sont affectés aux services d'agglomération. Nous avons donc produit une estimation en appliquant la quote-part de la métropole à l'agglomération (81,491%) à la masse salariale de celle-ci.

Nous avons ensuite validé le résultat auprès du service des finances de Montréal. À sa suggestion, nous avons soustrait 29 millions à la masse salariale pour éliminer les employés de sécurité publique qui sont payés par le gouvernement tout en figurant sur la liste de paie de la Ville. Nous avons également soustrait 87,7 millions pour tenir compte de l'étalement du paiement des pertes des caisses de retraite, un procédé comptable appelé le «lissage». Cette stratégie permet à la Ville de profiter du rebond des marchés, même si les pertes subies en 2008 figurent toujours à son bilan.

Malgré tout, la masse salariale à laquelle nous arrivons est un peu surévaluée, selon le service des finances, car des services fournis aux villes défusionnées peuvent requérir une main-d'oeuvre plus importante que les services centraux. Le salaire moyen des employés pourrait donc être plus bas de quelques centaines de dollars par année, mais il n'a pas été possible d'obtenir une évaluation plus précise.

Quant au nombre d'employés, il totalise 21 233,3 dans un ratio années-personnes. Pour arriver à notre estimation finale, nous avons appliqué la quote-part de la Ville à l'agglomération aux policiers, aux pompiers, aux brigadiers, aux cols blancs et aux professionnels.

Nous avons aussi fourni une estimation de nos chiffres à la Ville de Longueuil, qui l'a jugée «valable».

Coût de la fonction publique municipale au Québec

SHERBROOKE (2010)

Salaires : 87 513 591$

Avantages sociaux : 11 901 557$

Charges sociales : 10 927 830$

Nombre d'employés : 1725

Population : 152 027

Dépenses de la Ville : 337 500 962$

TROIS-RIVIÈRES (2011)

Salaires : 63 905 000$

Avantages sociaux " Charges sociales : 15 944 000$

Nombre d'employés : 1039*

Population : 130 407

Dépenses totales de la Ville : 217 700 000$

QUÉBEC (2009)

Salaires : 323 466 034$

Avantages sociaux : 81 816 657$

Nombre d'employés : 5207

Population : 491 120

Dépenses de la Ville : 1 128 000 000$

LONGUEUIL** (2010)

Salaires : 99 800 000$

Avantages sociaux : 14 120 629

Charges sociales : 10 829 201

Nombre d'employés : 1556

Population : 232 516

Dépenses de la Ville : 304 510 468$

LAVAL (2011)

Salaires : 208 595 957$

Avantages sociaux : 45 704 706$

Charges sociales : 26 502 264$

Nombre d'employés : 2964

Population : 400 670

Dépenses de la Ville : 690 700 000$

MONTRÉAL (2011)

Salaires : 1 260 727 754$

Avantages sociaux : 466 756 413$

Charges sociales : 139 720 241$

Nombre d'employés : 18 523

Population : 1 651 235

Dépenses de la Ville : 3 760 721 270

GATINEAU (2010)

Salaires : 169 538 000$

Avantages sociaux : 29 877 000$

Charges sociales : 17 973 000$

Nombre d'employés : 2511

Population : 247 139

Dépenses de la Ville : 443 133 000$

GOUVERNEMENT DUQUÉBEC

(Fonction publique, réseaux de la santé et de l'éducation)

Salaires : 20 982 000 000$

Avantages sociaux : 1 714 000 000$

Charges sociales : 2 454 000 000$

Autres coûts : 1 172 000 000$

Nombre d'employés : 419 547

Population : 8 000 000

- Le nombre d'employés est calculé en fonction d'un ratio années-personnes.

- La masse salariale totale de Longueuil est de 146,1 millions. De cette somme, 99,8 millions sont affectés à la ville-centre, le reste étant prévu pour des dépenses d'agglomération. Nous avons donc appliqué ce ratio aux avantages sociaux et aux charges sociales pour arriver à notre estimation. Nous avons soumis le résultat à la Ville de Longueuil, qui l'a jugé « valable «.