Les producteurs agricoles du Québec seront invités à se prononcer sur le monopole de l'UPA par voie de référendum, selon ce qu'a appris La Presse Canadienne.

Au lieu de trancher lui-même dans le vif du sujet, tout se met donc en place pour que le gouvernement cède aux premiers intéressés le soin de décider s'ils veulent toujours une accréditation syndicale unique pour les représenter.

Cette question fera partie des grands enjeux débattus lors de la consultation attendue sur le Livre vert pour une politique agricole, dont La Presse Canadienne a obtenu copie jeudi.

Si jamais une masse critique de producteurs tournaient le dos à l'accréditation unique, cela pourrait annoncer la fin du puissant lobby de l'UPA.

Par souci de démocratie, la fin du monopole de l'Union des producteurs agricoles (UPA) faisait partie des recommandations formulées dans le rapport Pronovost sur l'avenir de l'agriculture, qui avait fait beaucoup de bruit lors de sa publication, il y a trois ans.

Le Livre vert, intitulé Donner le goût du Québec, doit être rendu public en 2011 et faire l'objet d'une consultation, avant le dépôt d'une politique en bonne et due forme assortie d'un projet de loi-cadre. Il s'agira de la première politique agricole du Québec.

Initié et conçu par feu l'ex-ministre de l'Agriculture Claude Béchard, le document, très attendu dans le milieu, devait être rendu public au printemps, puis à l'automne, mais son successeur, Laurent Lessard, n'a toujours pas terminé ses consultations.

En 2008, le rapport Pronovost préconisait des changements profonds et radicaux dans les pratiques agricoles, la gestion et le financement du secteur, pour assurer un avenir à cette activité en situation sans cesse plus précaire.

Le monde agricole doit changer ou périr, disait alors le président de la commission, Jean Pronovost.

Trois ans plus tard, Québec semble avoir compris le message. Car le Livre vert, qui s'en tient aux grandes orientations à privilégier, reprend à son compte plusieurs des recommandations du rapport et en respecte l'esprit.

Aussi, un grand ménage se prépare, et pas seulement en ce qui a trait aux organismes de représentation. Les maîtres-mots seront: diversification des produits et des marchés, pluralité des entreprises, écoconditionnalité, compétitivité et rentabilité accrues.

En appui à cette politique, une loi-cadre viendra dépoussiérer quatre lois existantes: la Loi sur les producteurs agricoles (à propos du mode de consultation des producteurs sur la représentation de leurs intérêts), la Loi sur la mise en marché (en vue de resserrer les règles de gouvernance), la Loi sur la protection du territoire agricole et celle sur le ministère lui-même, dont la mission sera redéfinie.

Un des grands axes de la politique portera sur la protection de l'environnement, promue au rang de «condition préalable» à la production agricole, peut-on lire dans le document. Ainsi, exploitation agricole ne devra plus être synonyme de source de pollution, particulièrement de l'eau des rivières. Le principe d'«écoconditionnalité» fera partie intégrante de tous les programmes du ministère de l'Agriculture. Il n'est pas exclu, non plus, de rendre le versement d'une aide financière aux producteurs conditionnel au respect des normes environnementales, notamment quant à l'usage de pesticides et à la réduction des gaz à effet de serre.

Développer la personnalité des produits

Mais la «pierre angulaire» de la future politique sera le produit alimentaire comme tel, qui devra être mieux identifié, mieux situé et mieux promu, ici comme à l'étranger. Dans un premier temps, on dit vouloir en venir à développer une «personnalité propre aux produits québécois», faire en sorte qu'ils soient «facilement reconnaissables» sur les tablettes du supermarché, tant en ce qui a trait aux produits de niche qu'à ceux destinés à la consommation de masse.

L'idée de base consiste à coller davantage aux besoins changeants du consommateur et à s'ajuster constamment à l'évolution du marché.

Surtout, dans un contexte de concurrence sans cesse croissante des produits étrangers, Québec veut s'assurer que les produits québécois aient plus de place et une place de choix sur les tablettes des supermarchés, bien en évidence et attrayants.

Pour accroître les ventes, on fouettera le sentiment de fierté des consommateurs d'acheter des aliments faits chez nous.

En plus, on verra à augmenter le nombre de produits «d'appellations réservées» et, par souci de sécurité alimentaire, à renforcer les mécanismes assurant l'innocuité et la traçabilité des aliments.

Activité économique au potentiel immense, l'agriculture québécoise devra absolument être plus compétitive et performante pour tirer son épingle du jeu, prévient Québec.

Il faudra donc en arriver à diversifier l'offre de produits, favoriser autant les petites que les grandes entreprises agricoles et, surtout, aider financièrement les entreprises rentables et non les canards boiteux, ce qui n'est pas toujours le cas actuellement. On encouragera aussi les partenariats d'affaires, les secteurs en émergence et les entreprises de transformation de produits locaux.

L'avenir de l'agriculture devra passer également par une plus grande transparence des mécanismes de mise en marché collective. L'heure est venue de resserrer les règles de gouvernance des outils de mise en marché, écrit-on.

Pour favoriser la relève agricole - un problème criant longuement abordé dans le rapport Pronovost - Québec créera aussi un fonds d'investissement spécial visant à soutenir les projets de création d'entreprise agricole.

Une des recommandations de la commission n'a cependant pas eu de suite: exiger des futurs agriculteurs une formation de niveau collégial, au minimum.

Pour dynamiser ce secteur jugé trop sclérosé, on projette également créer un autre fonds destiné cette fois à stimuler l'innovation, par le financement de projets proposant de nouvelles pratiques, «de nouvelles façons de faire» l'agriculture au Québec, indique le Livre vert du ministère.