Pour conclure l'une des ententes les plus lucratives de son histoire avec un producteur américain, la Cité du cinéma demande au gouvernement du Québec de faire passer le crédit d'impôt aux films étrangers de 25% à 35%. Une demande qui a très peu de chances de se retrouver dans le prochain budget, a appris La Presse Affaires d'une source gouvernementale.

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Québec n'est pas convaincu des bienfaits d'une hausse du crédit d'impôt aux producteurs hollywoodiens, d'autant plus que le gouvernement l'a déjà bonifié à deux reprises depuis un an et demi. En 2010, la province a connu sa meilleure récolte en cinq ans auprès des producteurs hollywoodiens, qui ont dépensé 218 millions de dollars au Québec.

Michel Trudel, qui loue les lieux de tournage de la Cité du cinéma aux studios hollywoodiens, suggère de hausser de 10 points le crédit d'impôt en vigueur. Il négocie actuellement avec le producteur Lucas Foster, qui envisage de tourner 11 films d'un budget total de 856 millions de dollars au Québec d'ici 2014. «Il faut faire monter le crédit d'impôt à 35%, dit Michel Trudel, copropriétaire et PDG de Locations Michel Trudel. J'en ai parlé à Raymond Bachand et à Jean Charest. Le producteur regarde aussi d'autres villes. Si nous n'avons pas 35%, ça ne marchera pas. D'autres États américains, comme le Michigan et la Louisiane, offrent un crédit d'impôt jusqu'à 45%, mais ce n'est pas évident pour les producteurs de tourner là-bas. Ils aiment mieux les installations au Québec.»

Vers un refus

Le gouvernement du Québec n'a pas pris de décision finale, mais il y a fort à parier que cette dernière proposition de l'industrie du cinéma sera refusée, selon une source gouvernementale au courant du dossier. Québec a rendu le crédit d'impôt considérablement plus généreux depuis un an et demi. Dans un contexte budgétaire plutôt serré, le gouvernement estime avoir fait sa part, d'autant plus que la Cité du cinéma a dû refuser de tourner trois superproductions américaines en 2011 en raison du manque de salles de tournage. Québec voit mal l'utilité de bonifier le crédit d'impôt alors qu'on refuse des tournages faute d'espace.

Le gouvernement Charest ne veut pas non plus créer une surenchère avec la Colombie-Britannique et l'Ontario, deux autres provinces qui accueillent plusieurs tournages hollywoodiens chaque année. L'Ontario a un crédit d'impôt similaire au Québec (25% sur toutes les dépenses). La Colombie-Britannique offre 33% sur les salaires versés à la main-d'oeuvre de la province, qui représentent habituellement le tiers des coûts de production d'un film. Au final, la Colombie-Britannique offre ainsi un rabais fiscal d'environ 11% aux producteurs étrangers. «C'est un crédit d'impôt moins généreux que ceux de l'Ontario et du Québec, qui rendent admissibles toutes les dépenses d'un film», dit Robert Wong, vice-président aux crédits d'impôt de la Société de cinéma de la Colombie-Britannique (BC Film Society).

Le Bureau du cinéma et de la télévision du Québec ne veut pas prendre position sur une hausse possible du crédit d'impôt aux films étrangers. «Ce serait une très bonne nouvelle pour les films américains à Montréal, mais nous manquons déjà de salles de tournage pour les accueillir. De plus, une hausse du crédit d'impôt nuirait aux coproductions entre le Québec et l'Europe», dit Hans Fraikin, commissaire du Bureau du cinéma et de la télévision du Québec.

En juin 2009, le gouvernement Charest a changé la méthode de calcul du crédit d'impôt pour inclure toutes les dépenses effectuées au Québec. Auparavant, seules les dépenses de production étaient admissibles. Cette nouvelle méthode de calcul était déjà en vigueur dans la plupart des États américains, ce qui rendait l'offre québécoise moins concurrentielle auprès des studios hollywoodiens.

Le ministre québécois des Finances Raymond Bachand a bonifié à nouveau le crédit d'impôt en février 2010 en le haussant spécifiquement à 45% pour les dépenses d'effets spéciaux et d'animation informatique.

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Crédits d'impôt accordés aux producteurs d'Hollywood

Provinces canadiennes

> Québec: 25% des dépenses

> Ontario: 25% des dépenses

> Colombie-Britannique: 33% de la main-d'oeuvre locale (environ 11% du budget total d'une superproduction)

États américains

> Californie: de 20% à 25% des dépenses (seulement pour les films de moins de 75 millions US)

> Colorado: 10% des dépenses

> Floride: 15% ou 20% des dépenses selon la période de l'année

> Louisiane: 35% des dépenses

> Michigan: 42% des dépenses

> Nouveau-Mexique: 25% des dépenses

> New York: 30% des dépenses

> Pennsylvanie: 25% des dépenses

> Texas: de 5% à 17,5% des dépenses

Source: Association of Film Commissioners International