«Je cherche une job.

T'es à la bonne place.

Ça va pas trop bien...

T'es doublement à la bonne place.»

Quand l'homme de 40 ans était venu cogner à la porte de Formétal, son directeur général, Jean LeChasseur, passait par la réception et l'avait accueilli. Dans quelques semaines, il aura terminé son parcours de 26 semaines.

Le directeur général raconte l'anecdote pour illustrer les objectifs de cette entreprise d'insertion de Pointe Saint-Charles: fabrication, formation, soutien.

Elle compte 12 employés permanents et accueille 30 personnes en insertion, âgées de 18 à 55 ans.

Elles apprennent le travail du métal, le soudage, l'usage des plieuses, des guillotines et des poinçonneuses, la peinture en poudre.

Les contenants de récupération des journaux dans le métro de Montréal sont fabriqués pour Ni Produits par Formétal. C'est chez Formétal que les sonnettes de vélo Dring Dring reçoivent leur couche de fond.

«Mon client veut de la qualité, un bon délai de livraison, un bon prix, soutient Jean LeChasseur. Je leur donne ce pour quoi ils ont payé. Je ne suis pas un parent pauvre dans l'industrie.»

Responsabilité

Les travailleurs en formation font aussi l'apprentissage de la responsabilité, à court terme envers l'employeur, à plus long terme envers l'usager de leur production. «Il faut que le jeune comprenne que ce qu'il fabrique va être utilisé par quelqu'un qui va en être content si c'est bien fait, ou mécontent si ce ne l'est pas», décrit-il.

L'objectif fondamental consiste, pour la première fois peut-être, à leur faire connaître du succès.

Celui de l'entreprise est toutefois difficile à mesurer. Quelques chiffres émergent. «Oui, à la fin de l'année, on a trouvé des emplois pour une quarantaine de personnes, décrit-il. Bravo, on a atteint cet objectif.»

Mais surtout, il y a tout ce qui ne se calcule pas.

Il énumère.

Quel participant a cessé de consommer?

Qui a changé sa perception des relations avec un patron?

Lequel est retourné à l'école pour terminer ses études secondaires?

«Ça ne se pèse pas avec une balance, soutient-il, mais si on a été capables de régler trois ou quatre problèmes dans sa vie de tous les jours, ça a un poids considérable.»

Jean LeChasseur n'hésite pas à utiliser un mot rarement entendu en industrie: «J'appelle ça de l'amour.» Rare alliage de métal et d'humanisme.

«Il faut que tu les aimes, poursuit-il. Sinon, ne fais pas cette job-là.»

Il faut le voir parcourir les ateliers, rigoler avec les participants, les encourager, s'enquérir de leurs difficultés.

Nous croisons une jeune participante, Gabrielle, une des très rares femmes dans le travail du métal.

«On apprend vite», assure-t-elle. Seul ennui: «Je ne veux pas partir.» Regard inquiet, sourire contrit. Comme plusieurs, elle voit venir avec appréhension la lancée autonome dans le monde du travail.

Ce sera à elle à diriger sa trajectoire, après l'élan donné par l'équipe de Formétal.

Le patron n'est pas trop dur?

«C'est un amour!»

Formétal produit plus que du métal.