La capitalisation du Régime des rentes du Québec se détériore depuis plusieurs années, mais le gouvernement a choisi encore une fois de reporter les augmentations de cotisations nécessaires pour assurer aux plus jeunes une rente à la retraite au même prix ou presque que celle que toucheront les baby-boomers.

Début décembre, la Régie a annoncé qu'elle reconduit pour l'année 2011 le taux de cotisation de 9,9% du revenu admissible fixé à 47 200$ pour 2011. La décision de le modifier revient au gouvernement.

Ce taux est en vigueur depuis 2003. Depuis 2006, on sait cependant qu'il sera insuffisant pour assurer la capitalisation du régime à long terme.

Le gouvernement a déposé à l'Assemblée nationale l'évaluation actuarielle du Régime de 2009, le dernier jour de la session parlementaire qui s'est déroulé dans la cohue.

On y apprend des choses inquiétantes. Le taux de cotisation d'équilibre pour assurer la viabilité du régime à long terme s'établit désormais à 11,02%, soit plus d'un point de pourcentage d'écart avec le taux actuel. Au taux de 9,9% actuel, la réserve sera vide dès 2039, soit 12 ans plus tôt que le projetait l'évaluation de 2006 qui sonnait déjà l'alarme. La Régie estimait alors qu'il fallait idéalement augmenter les cotisations à 10,54% afin de stabiliser la réserve à long terme. Faute de quoi, elle serait épuisée en 2051.

Après les résultats désastreux de la Caisse de dépôt en 2008, la Régie a estimé que le taux de cotisation d'équilibre s'élèverait plutôt à 10,95%. Elle recommandait aussi au gouvernement de hausser les cotisations jusqu'à 10,4%, à partir du 1er janvier 2011.

Le gouvernement choisit de faire la sourde oreille. La Presse a vainement tenté d'obtenir les explications du ministre des Finances, Raymond Bachand, ou de la ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale, Julie Boulet. On nous a suggéré de nous adresser à la Régie qui ne peut spéculer sur les intentions du gouvernement.

«Ça me scandalise. C'est une responsabilité morale de ne pas transférer ce fardeau aux générations futures, affirme François Rebello, député péquiste de La Prairie et porte-parole de l'opposition officielle en matière de régimes de retraite publics et privés. Il y a urgence de déposer un projet de loi pour rétablir la solvabilité du régime.»

Dans la présentation de l'évaluation de 2009, la Régie réclame de nouveau des correctifs «afin de stabiliser son financement à long terme et d'éviter de créer un déséquilibre entre la charge imposée aux générations actuelles de cotisants et celle qui incombera aux générations futures».

La fragilité grandissante du régime québécois ne s'explique pas seulement par la contre-performance de la Caisse de dépôt en 2008, chargée de gérer l'actif de la Régie.

Deux autres caractéristiques le distinguent de son pendant, le Régime de pensions du Canada (RPC).

La croissance démographique du Québec est plus faible ici que dans le reste du pays. Cela réduit le bassin des cotisants par rapport à celui des prestataires.

Le salaire moyen des Québécois étant plus faible que celui des Canadiens du reste du pays, l'assiette des cotisations est forcément plus petite.

Le RPC se porte bien. Avec une cotisation de 9,9%, sa réserve est assurée jusqu'en 2085, selon sa récente évaluation actuarielle.

L'état de santé différent du RRQ et du RPC explique certainement les réticences de Québec à voir bonifiés les deux régimes de retraite publics, comme le réclament six provinces canadiennes. Québec a plutôt choisi de s'allier à l'Alberta lors de la rencontre de Kananaskis, plus tôt cette semaine.

Les six provinces préconisent une formule de bonification du RPC qui pourrait soit relever le taux actuel de couverture (25% du revenu admissible), soit le revenu admissible, soit une combinaison des deux.

Quelle que soit la solution retenue, elle suppose une augmentation des cotisations, alors que le Québec devra se résoudre plus tôt que tard à des augmentations de taux, uniquement pour préserver le gros des avantages actuels du RRQ.

En Alberta, on s'est plutôt entendu sur la création possible d'un régime de pension agréé collectif, destiné aux travailleurs autonomes ou de PME, dont l'adhésion serait volontaire. Une version de pareil régime existe déjà au Québec, le régime de retraite simplifié.

Ce peu de résultat a irrité l'Institut canadien des actuaires (ICA) qui réclame une nouvelle approche globale pour résoudre l'épineuse question des revenus de retraite.

«D'importants changements s'imposent depuis plusieurs années. Malheureusement, les gouvernements ont jusqu'ici résisté au changement, optant pour d'autres consultations et des raffinements mineurs du système», déplore Micheline Dionne, présidente de l'ICA.

Les ministres aborderont cette question pour la quatrième fois en juin.