La Ville de Montréal vient de découvrir 126 résidences touristiques illégales sur son territoire, et elle prendra d'ici trois mois des mesures pour les obliger à se conformer à la loi, a appris La Presse Affaires.

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Les exploitants visés louent leurs appartements à des touristes de façon régulière, sans posséder de permis d'exploitation ni payer d'impôt foncier commercial. La Ville leur fera parvenir sous peu des «formulaires d'enquête» dans le but d'ajuster leurs avis d'imposition à la hausse.

«S'il y a une utilisation à caractère commercial, la propriété doit être taxée en conséquence, a indiqué Gaetano Rondelli, évaluateur en chef à la Ville, qui vient de recevoir la liste des délinquants. Il s'agit de déterminer quel est le pourcentage de l'utilisation commerciale.»

Les résidences visées par les autorités sont affichées sur une trentaine de sites de location à court terme, comme mystudiomontreal.com et globarent.com. Ces unités sont souvent offertes à moins de 100$ la nuitée, ce qui en fait une solution de rechange économique aux hôtels traditionnels.

Pour être conformes à la Loi, les particuliers qui louent leurs appartements à des touristes pour moins de 31 jours doivent détenir une classification et un panonceau remis par le ministère du Tourisme. Ils doivent aussi posséder un certificat d'occupation de leur arrondissement, payer un impôt foncier qui reflète la vocation commerciale de leur propriété et percevoir une taxe d'hébergement.

126 résidences ou 7600?

Patryck Thévenard, président de l'Association des gîtes touristiques de Montréal (AGTM), est en colère devant le faible nombre d'illégaux - 126 - visés par la Ville. Selon les recherches qu'il mène depuis trois ans, ce chiffre sous-estime grossièrement la réalité.

«On s'est arrêté à 7600 illégaux dans l'île de Montréal, mais on aurait pu en trouver plus», a-t-il affirmé à La Presse Affaires.

M. Thévenard soutient que les autorités municipales ne sont pas vraiment intéressées à régler la situation. «La Ville n'est absolument pas coopérative, la quantité de peaux de banane qu'ils ont pu nous mettre...»

La situation est d'autant plus injuste, selon lui, que les propriétaires des 103 gîtes et des 44 résidences touristiques dûment enregistrés devront payer un impôt foncier commercial plus élevé dès janvier 2011 à Montréal.

Les illégaux paient seulement l'impôt foncier résidentiel, moins cher.

Tâche complexe

Comment la Ville est-elle arrivée au chiffre de 126 délinquants? Le travail de recherche a été long et fastidieux, a fait valoir Gilles Ethier, chef de section, expertise et soutien technique, au service des finances.

Pendant six semaines, deux fonctionnaires du service ont épluché plus de 35 sites web regroupant environ 2000 appartements touristiques. Plusieurs unités se trouvaient sur deux, trois, voire six sites. «Il a fallu faire un travail d'épuration assez complexe, parce que souvent, ils ne donnent pas les adresses, a expliqué M. Ethier. Il a fallu comparer les photos, appeler les agences.»

Aussi, plusieurs sites prétendent offrir la location pour une durée minimale de 31 jours - ce qui n'enfreint pas la loi -, mais offrent en réalité des séjours beaucoup plus courts. Cela a davantage complexifié les recherches, a souligné le chef de section.

Les 126 résidences identifiées sont situées pour la plupart au centre-ville et dans le Plateau Mont-Royal. Fait à noter, plusieurs sont exploitées par des locataires, qui sous-louent leur appartement à des touristes à l'insu de leur propriétaire.

Alan DeSousa, responsable des finances de l'administration Tremblay, affirme que la Ville ne sous-estime pas le phénomène des résidences touristiques illégales. C'est toutefois à Patryck Thévenard, de l'AGTM, de prouver l'existence des milliers de délinquants qu'il dit avoir trouvés, avance le politicien.

«Je trouve le chiffre significatif et c'est pour cette raison que le fardeau de la preuve est mis sur les épaules de la personne qui avance ces chiffres, a dit M. DeSousa. La Ville n'a aucun intérêt à ne pas trouver ces gens-là.»

Le ministère du Tourisme, pour sa part, ne semble pas s'inquiéter outre mesure du phénomène. Impossible de tout superviser, dit en somme Raymond Lesage, sous-ministre adjoint à l'accueil et à l'hébergement touristique.

«Quand des gens nous disent: vous devriez aller voir tel site, on le fait, a-t-il dit. On fait de la recherche, mais on ne trouve pas tous les sites. Et on n'est pas à l'ère des Boubou Macoutes non plus. On doit considérer la bonne foi des gens là-dedans.»

Camille Pourret, gérante du site globarent.com, soutient ne jamais avoir été jointe par la Ville au sujet des règlements qui encadrent la location à court terme. Son site, qui regroupe 220 propriétés à louer «pour une nuit ou pour un an», agit simplement à titre d'intermédiaire, dit-elle.