Ses comptes bancaires sont gelés. L'AMF le soupçonne d'avoir orchestré une fraude de 2,5 millions de dollars auprès d'une soixante d'investisseurs de la Beauce. Un tribunal administratif parle ouvertement de fraude à la Ponzi. Mais Pierre Jolicoeur clame toujours son innocence.

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«Non, ce n'est absolument pas vrai, dit Pierre Jolicoeur en entrevue à La Presse Affaires. Je garantis que personne n'a perdu 5 cents. Dans les 10 prochains jours, l'argent va être revenu. Pour l'instant, l'argent n'est pas sous le contrôle (de l'AMF). Pour des raisons de sécurité. L'argent est au nom des clients aux États-Unis.» Dans des institutions financières aux États-Unis? insiste-t-on. «Si on peut dire», répond Pierre Jolicoeur.

L'Autorité des marchés financiers (AMF) a une version fort différente de l'histoire de Pierre Jolicoeur. Une version nettement plus inquiétante pour ses clients qui lui ont confié 12 millions de dollars depuis cinq ans.

Selon l'AMF, 2,5 millions ont été utilisés pour payer ses dépenses personnelles, incluant ses cartes de crédit personnelles. Trois millions ont été investis à perte. Cinq millions ont été payés à titre d'intérêts aux investisseurs. Selon l'AMF, il s'agirait d'un cas typique de stratagème à la Ponzi, où le fraudeur paie les rendements des uns avec les nouveaux investissements des autres, empochant parfois au passage une partie de l'argent.

«Il a promis des rendements de 15% à 30%, mais, dans la réalité, ce sont plutôt des rendements négatifs de 15% et tout indique qu'il a empoché le reste de l'argent», dit Sylvain Théberge, porte-parole de l'AMF.

L'organisme poursuit son enquête amorcée au début de l'été. «Au début, nous étions confrontés à des investisseurs qui gardaient confiance en lui, dit Sylvain Théberge. Plus l'enquête avançait, plus ça grossissait. Il leur a fait croire que l'argent était en sécurité aux États-Unis. Nous avons échangé de l'information avec la SEC (Securities and Exchange Commission) et le département du Trésor américain. Son histoire ne tient pas la route.»

Jusqu'à maintenant, les tribunaux administratifs croient sans l'ombre d'un doute la version de l'AMF. En juillet dernier, le Bureau de décision et de révision en valeurs mobilières du Québec a gelé les comptes de banque de Pierre Jolicoeur à la Banque Nationale, à la Banque de Montréal, à la Banque TD et à Interactive Brokers Canada. Selon l'AMF, le gel des comptes - où il resterait environ 400 000$ - a provoqué la suspension des paiements mensuels d'intérêts aux clients de Pierre Jolicoeur.

Au cours d'une audience tenue la semaine dernière, on a décidé que le gel des comptes bancaires serait prolongé jusqu'à la fin du mois de mars 2011. Le Bureau de décision et de révision en valeurs mobilières du Québec n'a pas hésité à conclure à une présumée fraude à la Ponzi, même si Pierre Jolicoeur ne fait face à aucune accusation criminelle ou pénale. «L'argent qu'il a réellement investi n'a amené que des pertes. Ce qui n'a pas servi à payer des intérêts aux investisseurs pour endormir leur méfiance est allé dans sa poche pour soutenir son train de vie (...) Non seulement il a recueilli de l'argent illégalement, mais il a mis sur pied une chaîne de Ponzi pour dissimuler ses méthodes. Pierre Jolicoeur (...) tente de faire croire aux investisseurs que leur argent est en sécurité», écrivent le président du Bureau, Me Alain Gélinas, et son vice-président, Me Claude St-Pierre, dans leur décision.

Pierre Jolicoeur, qui ne s'est pas présenté à l'audience, a indiqué à La Presse Affaires qu'il portera la décision du Bureau en appel au cours des prochains jours.

Qui est Pierre Jolicoeur? Le Beauceron de 42 ans dit avoir travaillé chez Scotia McLeod et à la Financière Banque Nationale entre 1997 et 2002 avant de se partir à son compte avec son entreprise Corporation de capital B.M.T. 06. Il n'est pas inscrit auprès de l'Autorité des marchés financiers. «Je n'ai pas fait une transaction au Canada depuis 2002, je fais toutes mes transactions aux États-Unis. Mes clients sont mes chums et ma famille. Je n'ai jamais fait de sollicitation ou de publicité», dit Pierre Jolicoeur, qui dit avoir collaboré avec l'AMF au cours de l'enquête.