Plusieurs investisseurs, dont l'actrice Karine Vanasse, pressent l'Autorité des marchés financiers de porter des accusations pénales contre leur ex-conseillère financière Carole Morinville, soupçonnée d'avoir orchestrée une fraude de 3,5 millions de dollars.

« Nous avons très hâte d'avoir des explications. Nous sommes pressés que justice soit rendue. Je me pose les mêmes questions que tout le monde, parce que ça n'avance pas vite. Je comprends que c'est complexe et que l'AMF a d'autres dossiers de fraude à traiter, mais la dernière chose que nous voulons tous, c'est qu'elle (Carole Morinville) profite éventuellement de notre argent quelque part », dit Karine Vanasse, en entrevue à La Presse Affaires.

Craignant une dilapidation des actifs, l'Autorité des marchés financiers (AMF) a fait geler les comptes de banque de Carole Morinville au début du mois d'août. Deux mois et demi plus tard, aucune accusation pénale n'a pas été portée contre la conseillère financière, qui peut quitter le pays sans enfreindre la loi. Un scénario qui inquiète les victimes de cette présumée fraude de 3,5 millions de dollars.

«Tu as beau mener un gros train de vie, nous avons quelques indices qui portent à croire qu'une partie de l'argent pourrait être ailleurs. En même temps, c'est difficile de comprendre la psychologie de ces gens-là. On se dit qu'elle a dû préparer son coup. Elle savait qu'elle était sous enquête, elle devait sentir la soupe chaude, elle a pu décider de sauver les meubles», dit Karine Vanasse, qui a perdu 125 000 $ dans cette présumée fraude. L'actrice de 26 ans, primée notamment pour ses rôles dans Emporte-moi, Séraphin et Polytechnique, a confié la somme de 125 000 $ provenant de la vente d'un condo à Carole Morinville en février dernier. Mme Vanasse poursuit au civil son ancienne conseillère financière afin de récupérer son argent.

Marie-Noëlle Déry, l'une des victimes qui a demandé la faillite de Carole Morinville, s'inquiète aussi de la liberté de déplacement dont dispose son ex-conseillère financière, qui ne fait face à aucune accusation pénale ou criminelle. « Nous avons peur que Carole Morinville s'en aille en Italie après avoir vendu sa maison, dit Mme Déry. Je commence à manquer de confiance envers l'AMF, qui ne va pas très vite. Si je vais voler une paire de gants au magasin, je vais passer la nuit suivante en prison. Elle, ce n'est pas une paire de gants, c'est 3,5 millions de dollars.»

Me Neil Stein, l'avocat représentant la trentaine de créanciers dans la faillite de Carole Morinville, comprend la réaction de ses clients. «Personnellement, je n'ai pas de crainte qu'elle quitte le pays, mais c'est une crainte pour les investisseurs, dit-il. Rien ne bouge depuis un certain temps.»

« L'enquête se poursuit », dit Sylvain Théberge, porte-parole de l'Autorité des marchés financiers.

Le dossier de Carole Morinville a été confié à la nouvelle escouade mixte de la Sureté du Québec et de l'AMF contre les fraudes financières. Annoncée par le gouvernement Charest en septembre 2009, cette escouade est entrée en fonction seulement un an plus tard, en septembre 2010, comme le rapportait récemment Radio-Canada.

La raison de ce retard d'un an? La Sûreté du Québec explique qu'entretemps, elle a dû créer l'escouade de l'opération Marteau à la suite des allégations de collusion dans le milieu de la construction au Québec. « Les énergies ont été mises sur cette unité-là », dit Martine Isabelle, porte-parole de la Sûreté du Québec.

L'AMF précise que, nouvelle escouade ou non, les dossiers ont continué à être traités avec autant de diligence au cours de la dernière année. «Les dossiers ont avancé, mais pas aussi vite que ce qui avait été prévu lors de l'annonce», dit Sylvain Théberge, porte-parole de l'AMF.

L'escouade mixte SQ-AMF sur les fraudes financières est composée de six enquêteurs de la SQ, quatre enquêteurs de l'AMF et un procureur du ministère de la Justice du Québec.