Faire l'épicerie d'une cliente malade. Imiter une signature. Tirer avantage de la crise économique pour demander plus d'argent. Rien n'arrêtait la conseillère financière Carole Morinville pour soutirer de l'argent à ses clients, selon trois de ses présumées victimes qui ont témoigné en cour hier.

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Soupçonnée par l'Autorité des marchés financiers d'avoir orchestré une fraude à la Ponzi de 1,5 million de dollars, Carole Morinville a été mise en faillite à la demande de sept de ses présumées victimes, hier, au palais de justice de Montréal. Carole Morinville, qui brillait par son absence à l'audience, ne s'est pas opposée à sa mise en faillite.

Marie-Noëlle Déry, l'une des ex-clientes qui ont demandé la faillite, aurait perdu 102 000$ dans cette fraude. Son premier chèque de 13 000$ a été déposé à la Financière Manuvie, mais les neuf autres chèques totalisant 102 000$ ont été faits au nom de la société à numéro de Carole Morinville. «C'est elle qui écrivait les chèques et je les signais, a dit Marie-Noëlle Déry, une veuve de 68 ans. Elle m'a toujours dit qu'il fallait nourrir Manuvie pour avoir ma pension.»

Selon Marie-Noëlle Déry, Carole Morinville était très au courant de ses rentrées d'argent. «Elle me disait qu'il ne fallait pas que l'argent reste dans mon compte de banque, que ça devait aller à Manuvie», dit-elle. Pour inspirer confiance à sa cliente, Carole Morinville allait jusqu'à faire ses courses. «Quand j'étais malade, elle m'aidait et faisait mon épicerie. Je la considérais comme une amie. Je me sens trahie», a dit Mme Déry à sa sortie de la salle d'audience.

Une autre victime, Dominique Lagacé, a déclaré que Carole Morinville avait imité sa signature pour tenter de retirer des fonds déposés à Manuvie. Le stratagème n'a pas fonctionné comme prévu: le remboursement a été envoyé directement à Mme Lagacé, plutôt surprise de recevoir un chèque de 26 900$. «Mme Morinville m'a dit que c'était une erreur de Manuvie et que je devais lui refaire un chèque de 20 000$», a-t-elle témoigné.

La troisième victime, Anne Beaulieu, a dit au tribunal que Carole Morinville avait utilisé la crise économique comme prétexte pour lui demander d'investir une somme supplémentaire de 30 000$. Ne voyant pas de différence sur ses relevés de placement, Anne Beaulieu a posé des questions. «Mme Morinville m'a dit de ne pas m'inquiéter que le marché fluctuait», dit Mme Beaulieu, qui a aussi perdu 125 000$ provenant de la vente d'un chalet au lac Brome. «Je voulais quelque chose de sécuritaire pour profiter de ma retraite. Elle m'a répondu: «J'ai un écureuil sur ma carte professionnelle, je prends soin de mes clients, sois sans crainte.»»

Selon l'enquête de l'Autorité des marchés financiers, Carole Morinville aurait spolié 27 personnes, dont l'actrice Karine Vanasse, qui la poursuit pour 125 000$. Ce recours risque toutefois d'être suspendu par la déclaration de faillite. Le cas échéant, Karine Vanasse se retrouvera dans la même situation que les autres créanciers.

Le syndic de faillite nommé par la Cour supérieure, Noubar Boyadjian, consultera sous peu les livres comptables de Carole Morinville et de son entreprise, Agence Carole Morinville. L'AMF a gelé ses comptes bancaires au début du mois. Deux des trois comptes ont un solde négatif et le troisième contient 1070,34$. «Le syndic peut annuler des transactions réalisées par Carole Morinville», dit Me Neil Stein, l'avocat de Marie-Noëlle Déry.

L'AMF a aussi annulé la vente de l'appartement du mari de Carole Morinville, Robert Diano. Le 7 juillet dernier, Mme Morinville a cédé sa part de l'appartement à son mari, en échange de quoi ce dernier se chargeait de l'hypothèque de 542 720$. M. Diano a accepté une offre d'achat de 755 000$ le 20 juillet, mais l'AMF a bloqué la transaction. «À notre connaissance, Mme Morinville et ses proches auraient aussi des intérêts dans deux autres appartements», dit Me Neil Stein.

Aucune accusation criminelle ou pénale n'a été portée contre Carole Morinville. Son avocat, Me Lorne Marchand, n'a pas rappelé La Presse.