Quand vient le temps de créer de la richesse, le Québec obtient une note «médiocre» de C, de sorte qu'il doit vite sortir de son «petit confort» s'il veut maintenir ses programmes sociaux, soutient le Conseil du patronat (CPQ).

«La société en général s'est assise un peu trop confortablement dans les gains qui ont suivi la Révolution tranquille si bien qu'aujourd'hui, quand on se compare (...), on voit que dans plusieurs domaines, on traîne la patte», a déclaré mercredi le président du groupe de pression, Yves-Thomas Dorval, en conférence de presse.

Le CPQ a publié son premier Bulletin de la prospérité du Québec, qui compare la province à l'Ontario, la Colombie-Britannique et l'Alberta de même qu'à plusieurs pays membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Selon le document du CPQ, qui compte 20 indicateurs, le Québec fait bonne figure en matière de «diplomation» universitaire, de taxation sur les investissements ainsi qu'en recherche et développement, mais tire de l'arrière pour ce qui est de l'intégration économique des immigrants, des taxes sur la masse salariale, des lois du travail et de l'endettement.

Résultat: le PIB par habitant du Québec est plus élevé que celui de la France, de l'Espagne, de l'Italie, de la Grèce, de la Corée du Sud et de la Nouvelle-Zélande, mais beaucoup plus faible que celui de l'Alberta, de l'Ontario, de la Colombie-Britannique, des États-Unis, de l'Irlande, de l'Allemagne, de la Belgique, du Royaume-Uni et des pays scandinaves.

M. Dorval a admis que le Québec avait mieux traversé la récession que la plupart des régions du monde. Mais selon lui, cette réussite est attribuable à des facteurs principalement circonstanciels: les investissements massifs du gouvernement pour rénover des infrastructures vétustes et le fait qu'ayant moins profité de la croissance mondiale des années antérieures, le Québec avait moins à perdre que d'autres.

«Si on a eu un succès certain pendant la récession, ça ne présume absolument pas de la suite des choses», a-t-il soutenu.

«Le problème de la société québécoise, très souvent, c'est que lorsqu'on a des acquis, on s'assoit, on dit «bravo on est bons, on est fins» et pendant ce temps-là, les autres mettent la main à la pâte et continuent à croître.»

Le CPQ déplore notamment la plus faible «intensité entrepreneuriale» des Québécois par rapport aux Canadiens des trois autres plus grandes provinces, qu'il attribue en partie à des facteurs historiques et à un «manque de modèles».

Il y a «cet aspect peut-être judéo-chrétien où on a toujours l'impression que lorsqu'on est un chef d'entreprise ou un boss, on est un méchant; lorsqu'on fait de l'argent, c'est parce qu'on a fait des fraudes», a lancé le président du CPQ.

C'est sans compter que certains entrepreneurs québécois se montrent parfois moins affamés qu'ailleurs.

«Même chez les chefs d'entreprises, combien de ceux qu'on rencontre nous disent: «Écoutez, moi, aussitôt que j'ai atteint les revenus que je veux, j'ai mon confort, j'en ai assez. Je ne veux pas que mon entreprise devienne trop grosse»», a relaté M. Dorval.

Le CPQ ne nie pas que culturellement, les Québécois sont peut-être moins attirés par la richesse que les citoyens du reste du Canada ou d'autres pays.

«Mais par contre, on veut en même temps avoir la Cadillac de tous les programmes sociaux, a souligné M. Dorval. Pour chaque programme au Québec, on veut être plus généreux, que ce soit le régime de rentes, l'assurance parentale, la santé et sécurité du travail ou les normes du travail. On veut être plus généreux partout, mais on n'est pas intéressés par l'argent. Je veux bien, sauf que pour se payer ces systèmes-là dans un contexte de vieillissement démographique, on n'a pas le choix d'avoir de l'argent.»

Dans le cadre de ce qu'il a baptisé sa «campagne de l'audace» pour changer les choses, le CPQ en appelle non seulement au gouvernement, aux groupes sociaux et aux travailleurs, mais également aux employeurs, y compris ceux qu'il représente. Tous doivent «se botter le derrière», a martelé M. Dorval.

«Si on veut prospérer, il faut d'abord avoir le goût de s'enrichir, il faut avoir le goût du succès, de la performance et du dépassement», a-t-il résumé.

De façon plus précise, le CPQ reconnaît que les entreprises doivent faire plus d'efforts pour favoriser l'intégration des immigrants, où le Québec a un retard important par rapport à l'Ontario, la Colombie-Britannique et l'Alberta.

«C'est certain qu'il y a au Québec des entrepreneurs qui ne sont pas à l'aise (avec les immigrants)», a affirmé M. Dorval.

Du même souffle, le président du CPQ a incité Québec à diversifier davantage ses sources d'immigration, qui sont actuellement concentrées dans les pays francophones, afin que les entreprises puissent compter sur un bassin de nouveaux arrivants possédant des compétences plus variées.

Pour s'assurer que son cri du coeur ne sombre pas dans l'oubli, le CPQ entend mettre à jour son bulletin chaque année.

«On ne veut pas faire un mouvement particulier et dire «écoutez, réveillez-vous» et qu'après, tout le monde se rendorme dans son petit confort», a illustré M. Dorval.

Réactions

À Québec, le ministre du Développement économique, Clément Gignac, a convenu que le Québec devait «accélérer la création de richesse».

«On reconnaît qu'il y a des faiblesses et des carences. Il faut travailler là-dessus et on fait le même diagnostic que le Conseil du patronat», a dit M. Gignac en point de presse.

Le ministre a admis que le Québec avait enregistré un retard quant à la création de richesse, un retard dû à plusieurs facteurs dont l'endettement très élevé et la démographie, a-t-il estimé.

«Ce sur quoi on peut agir, c'est le contrôle de nos dépenses», a relevé M. Gignac, en ajoutant que le gouvernement avait déjà entrepris des efforts en ce sens et qu'il fallait aussi réduire le fardeau fiscal des entreprises.

D'ailleurs, le CPQ aurait dû, d'après lui, inclure le contrôle des dépenses gouvernementales parmi les indicateurs retenus, en vue de présenter un «portrait plus complet» de la situation.

De son côté, le député adéquiste François Bonnardel s'est dit inquiet pour l'avenir de l'entrepreneuriat au Québec.

«Le sombre bilan tracé par le Conseil du patronat est lucide et confirme ce que l'ADQ soutient depuis plusieurs années», a-t-il commenté.