Au Québec, le tourisme nautique, comme l'agro-alimentaire, gagne des points. Grâce à son million d'adeptes et ses visiteurs, il génère près de 1,5 milliard annuellement. La voile, le kayak de mer, le surf cerf-volant, le bateau ponton et les croisières font toujours plus de convertis. Et les divers programmes mis sur pied par l'Association maritime du Québec sont sur le point de propulser toute l'industrie en avant.

Québec Stations Nautiques, Éco-Marina, Classification des marinas, Corridors bleus, Sentier maritime du Saint-Laurent... Depuis quelques années, le milieu du tourisme nautique se structure grâce à divers programmes. Ceux-ci permettent notamment de rehausser les effectifs nautiques, de recenser les installations et rapprocher les différents intervenants d'une industrie qui a le vent dans les voiles.

En amont de l'implantation de plusieurs programmes se trouve l'Association maritime du Québec (AMQ), qui organise aussi le Salon du bateau et des sports nautiques de Montréal, qui publie l'annuel Nautiguide, mais surtout qui a décidé de valoriser une des richesses du Québec, soit ses milliers de plans d'eau. «Pour y arriver, on s'est dit qu'il fallait améliorer nos infrastructures et notre réseau d'accueil, protéger notre réseau hydrique et structurer l'offre de services», énumère Yves Paquette, directeur général de l'AMQ.

«L'Association aurait pu se limiter à produire un beau petit guide, sans penser au développement de cette richesse et à sa pérennité, constate Denis Brochu, directeur général de Tourisme Suroît. Elle a compris que le nautisme, ce n'est pas juste de vendre des bateaux! C'est aussi faire vivre les différents pôles.»

L'AMQ a ainsi mis plusieurs lignes à l'eau. Après avoir investigué du côté de la France et de l'Ontario, elle a mis sur pied trois programmes de front, dont celui de Québec Stations Nautiques, baptisé en 2007. «On s'est inspiré du programme France Stations Nautiques qui favorise la création puis la promotion d'entités régionales regroupant tous les intervenants en nautisme», explique Yves Paquette.

«L'Espagne a aussi développé des stations nautiques semblables, mentionne Béatrice Launay, directrice de Québec Stations Nautiques. En Amérique du Nord, nous sommes les premiers.»

En septembre, l'AMQ annoncera la création d'une septième station en moins de trois ans, soit la Station nautique Haute-Gaspésie. Elle s'ajoute aux stations nautiques Lac Saint-François, Rimouski-Mitis, Québec-Lévis, Lac des Deux-Montagnes, Rive-Sud et Île-aux-Noix/Lac Champlain. «Le principe a été accueilli à bras ouverts par tous, affirme Denis Brochu, lié à la station du Lac Saint-François. Mais ce n'est pas évident à consolider. Les gens sont regroupés de toutes sortes de façons, surtout de façon terrestre, rarement par les plans d'eau. Souvent même, les divisions coupent les plans d'eau. Le lac Saint-François, par exemple, touche aussi à l'Ontario et au territoire Akwesasne.»

Les stations nautiques regroupent des marinas, clubs de voiles, centralisent des services de plongée, de pièces de bateau, de visites nautiques et de cours de voile. Elles valorisent aussi des plans d'eau et des attractions régionales. «Pour l'instant, nous sommes 30 membres, mentionne Paul Bellemare, président du Conseil d'administration de la marina de Rimouski et président de la station nautique Rimouski-Mitis. On y trouve des responsables privés, gouvernementaux et divers intervenants. Tous ceux en fait qui ont un intérêt  pour promouvoir des activités récréo-touristiques et ainsi favoriser l'économie régionale.»

Si on dit noter une augmentation de l'intérêt pour le nautisme dans les stations, le principal gain se situe au plan du recensement. Le regroupement des effectifs nautiques d'une région donnée a en effet permis de mettre au jour des services inconnus de plusieurs intervenants! «Plusieurs ont conclu que 25% des éléments de leur territoire leur étaient inconnus», note Béatrice Launay.

Dans une industrie où les gens tendent à ramer en solo, la concertation représente un défi de taille. «Le plus gros obstacle, c'est la collaboration, le partenariat, constate Paul Bellemare. La nature veut qu'on marche indépendamment. Or, il faut penser développement et identifier ce qui n'existe pas sur notre territoire. Et être en groupe permet de cogner à certaines portes.»

«Il faut être persévérant, parce que les intervenants ont toujours travaillé en vase clos, ajoute Béatrice Launay. Certains voient tout de suite ces efforts d'un bon oeil, mais les plus anciens, ceux qui ont plus d'expérience, ont des appréhensions.»

Il est encore trop tôt pour sentir les retombées de tels regroupements, selon les dirigeants des stations nautiques. La concertation leur a toutefois permis des réalisations concrètes. «Cette année, on a créé un guichet unique de réservation d'activités, à la marina de Rimouski, mentionne Paul Bellemare. On y propose des tours de bateau, des cours de voile. Deux nouveaux services (tels des cours de kayak dans les îles Saint-Barnabé) ont aussi été implantés. Et cet automne, on a une session de planification stratégique pour développer l'offre promotionnelle.»

Après recherche, La Presse Affaires constate que les statistiques récentes montrant une évolution dans l'intérêt des activités nautiques et des retombées économiques en tourisme nautique précisément sont rares. «Le niveau d'achalandage dans notre région (Rimouski-Mitis) semble avoir augmenté, dit néanmoins Paul Bellemare. Car on offre de plus en plus d'attraits et on fait de la promotion à travers la station. Mais on n'est pas encore organisé pour avoir des chiffres.»

La popularité grandissante des programmes Classification des marinas du Québec et Éco-Marina (voir autre texte) sert également de levier touristique, aux yeux de plusieurs. «Avec ces programmes, c'est plus facile d'approcher les Québécois, faire du tourisme inter régional et promouvoir des destinations, dit Yves Paquette. Il y a aussi une forme d'accueil beaucoup plus stable et de qualité. Et puis, quand tout ça va se structurer, le volume d'affaires va grossir. Et ça va se faire de façon ordonnée, dans un contexte de développement durable.»

Et qui sait, l'AMQ pourrait ainsi espérer renverser la tendance, en terme de provenance des visiteurs? En 2006, 1,6 million de plaisanciers et de baigneurs américains ont choisi le Québec pour leurs vacances, selon un rapport de Tourisme Québec. Et les Américains qui font du nautisme sont plus susceptibles de le faire dans la province contrairement à ceux qui embrassent d'autres types d'activités. Cela dit, pour le moment, le tourisme nautique est pratiqué par 80% de Québécois et 20% d'étrangers. «Au Québec, il y a un questionnement à faire au sujet de l'industrie du tourisme nautique, soutient Denis Brochu. Éventuellement, il faut arriver à faire de la promotion à l'échelle internationale. Mais il faut d'abord que tout soit structuré, sinon on va se brûler.»

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15,6 milliards$ de dépenses des plaisanciers canadiens en nautisme

1,5 milliard$ de revenus générés par le tourisme nautique au Québec

65 938 embarcations neuves achetées par les Canadiens

959 marinas au Canada (202 au Québec)

Source: Discover Boating, 2006