Les victimes de l'ex-financier Earl Jones ont bon espoir de s'entendre avec la Banque Royale pour récupérer les sommes volées par celui qui a été reconnu coupable de fraudes totalisant plus de 50 millions de dollars.

Les anciens clients de ce criminel à cravate ont tenu une rencontre samedi à l'hôtel Holiday Inn de Pointe-Claire, dans l'ouest de Montréal, pour faire le point, un an après avoir découvert qu'ils avaient été floués. Ils ont aussi rencontré les avocats qui les représentent dans la requête pour l'autorisation de déposer un recours collectif de 40 millions contre la Banque Royale du Canada (RBC).

Selon les quelque 150 victimes, cette institution bancaire aurait fait preuve de négligence et d'aveuglement, ce qui aurait permis à Jones de commettre ses crimes financiers. La requête sera entendue le 14 juillet.

Earl Jones a écopé en février d'une sentence de 11 ans d'emprisonnement mais pourrait être libéré au sixième de sa peine, soit après 22 mois de détention.

Selon le porte-parole du Comité organisateur pour les victimes d'Earl Jones, Joey Davis, les avocats de la banque ont laissé savoir à ceux de son groupe qu'ils ne s'opposeraient pas ou ne contesteraient pas le dépôt de la requête de recours collectif.

Il qualifie d'ailleurs la relation entre les avocats des deux parties d'«étroite» et affirme qu'un dialogue ouvert s'est entamé. «Vraiment, c'est notre dernière tentative mais je suis optimiste», a-t-il répété en entrevue à La Presse Canadienne.

Son optimisme est partagé par celle qui représente les victimes dans le recours collectif, Virginia Nelles, dont la famille a perdu 1 million $. «Les échos sont bons. D'un autre côté, avec tout ce qu'on a subi cette année, j'attends d'avoir la preuve», a-t-elle nuancé. Mais Mme Nelles soutient qu'en cas de refus de la cour, les victimes iront en appel.

Bientôt sans abris?

Plusieurs des individus dépouillés ont perdu toutes leurs économies et selon le comité, six familles ont même été forcées de vendre leur maison et 11 autres risquent d'être évincées. Un règlement positif avec la banque leur permettrait de récupérer les sommes perdues.

Virginia Nelles explique que ces 11 personnes ont contracté des hypothèques avec la Banque Scotia et la Banque de Montréal par le biais d'Earl Jones.

Ces deux institutions financières ont accordé une aide temporaire d'un an aux victimes pour qu'elles puissent demeurer dans leurs domiciles. Mais cette assistance tirera à sa fin au mois d'août.

Selon Mme Nelles, si une nouvelle entente n'est pas conclue avec les deux banques, cela représentera «une vrai tragédie». «Ce sont des gens qui ont 65 ans et qui ont habité dans leur maison toute leur vie, s'est indignée Virginia Nelles. Pour elles (les banques) c'est un problème qui représente peut-être 1,8 million $, ce n'est pas énorme.»

M. Davis souligne d'ailleurs que ce dossier est prioritaire pour le comité qu'il représente.

Répercussions au Canada

Danielle Manouvrier compte aussi parmi les personnes bernées par l'ex-financier. Elle se considère chanceuse d'avoir pu récupérer l'essentiel des sommes qu'elle avait confiées à l'ex-financier qui avait orchestré une «pyramide de Ponzi».

Mais elle n'en demeure pas moins outrée du comportement de l'Autorité des marchés financiers (AMF) dans cette affaire, qui, selon elle, s'en est lavé les mains. En plus de ne pas dédommager les victimes, l'AMF n'a pas déposé de plainte, déplore Mme Manouvrier. Earl Jones n'était pas inscrit auprès de cet organisme de régulation financière.

Mme Manouvrier espère par ailleurs que les partis politiques mettront de côté leurs différends pour adopter le plus rapidement possible le projet de loi contre le crime économique et celui qui vise à abolir la loi qui permet aux prisonniers de réclamer leur libération après avoir écoulé le sixième de leurs peines.

Elle déplore finalement qu'aucune loi ne protège les victimes de crimes économiques ou même d'actes criminels violents.

Mais selon Virginia Nelles et Joey Davis, cette affaire a tout de même fait son chemin jusqu'aux décideurs politiques, qui modifient lentement les lois au Canada. «En ce sens, nous avons réussi puisque nous avons obtenu l'attention des gouvernements», s'est félicité M. Davis.

«Mais nous allons continuer notre lutte pour que cela demeure important au pays de protéger les citoyens contre ce type de fraudes», a conclu Mme Nelles.