Les travailleurs québécois n'auraient pas suffisamment de vacances pour bien se reposer. C'est du moins ce que révèle un sondage CROP effectué en mai dernier pour le compte de l'Ordre des conseillers en ressources humaines agréés.

Selon les résultats obtenus, 42% des travailleurs considèrent qu'ils n'ont pas assez de vacances dans une année pour refaire le plein d'énergie. Cela n'étonne pas Éric Gosselin, professeur de psychologie du travail et des organisations à l'Université du Québec en Outaouais.

Selon lui, il faudrait au moins trois semaines de vacances aux travailleurs d'aujourd'hui pour bien se reposer. «Auparavant, le travail était plus physique qu'intellectuel, dit-il. Or, c'est plus facile de se reposer physiquement que mentalement. Puisque nous sommes maintenant dans une économie du savoir et de services, et que le repos psychologique demande plus de temps, cela viendrait justifier un allongement du temps de vacances moyen.»

Au Québec, les vacances moyennes durent 2,5 semaines. Selon les normes du travail, un salarié a droit à deux semaines de vacances continues payées après un an de service, et à trois semaines à partir de cinq ans, à moins que des dispositions d'une convention collective leur en accordent davantage.

Normes dépassées?

Selon Éric Gosselin, ces normes sont dépassées, étant donné la réalité du travail actuelle. «Ça ne concorde plus avec le modèle de gestion de carrière que l'on a aujourd'hui, dit-il. Ces normes ont été faites à une époque où les individus restaient au sein de la même organisation pendant de longues années. Mais aujourd'hui, les gens changent d'organisation plus souvent, et ils recommencent donc à zéro avec deux semaines chaque fois, dans beaucoup de cas.»

Depuis plusieurs années, le Conseil de la famille et de l'enfance préconise une modification des normes pour accorder davantage de vacances aux travailleurs québécois. «Nous appuyons une augmentation des semaines de vacances, car pour nous, il est important que les familles aient du temps à passer ensemble, dit Marie Rhéaume, présidente du Conseil. C'est un point particulièrement sensible dans la vie des travailleurs et surtout ceux qui ont des enfants d'âge scolaire et préscolaire.»

Le Conseil recommande sans succès depuis 2002 que les normes soient modifiées pour que l'on accorde trois semaines de vacances payées à tout travailleur après un an de service continu auprès du même employeur.

Cette proposition n'obtient certainement pas l'appui du Conseil du patronat du Québec, indique Norma Kozhaya, économiste en chef et directrice de la recherche au CPQ.

«Il faut réaliser que chaque jour de travail en moins représente moins de production et moins de richesse qui se crée, dit-elle. Si on fait cela alors que nos voisins et concurrents, l'Ontario, les autres provinces et les États-Unis, n'ont pas les mêmes normes, cela pourrait affecter notre richesse collective.»

Ailleurs dans le monde, les pays qui offrent le plus de jours de congé payés et de vacances sont le Brésil et la Lituanie, avec 41 jours congés payés, dont 28 à 30 jours de vacances, selon un palmarès publié par l'Institut Mercer. Ils sont suivis par la Finlande, la France, la Russie (40 jours de congé au total), l'Autriche (38), la Grèce (37), le Royaume-Uni (37 jours de congé, dont 28 jours de vacances payées), la Pologne, la Suède et l'Espagne.

Mais on aurait tort de se comparer à l'Europe, soutient Norma Kozhaya. «En Europe, ils ont beaucoup plus de vacances, mais le contexte n'est pas le même. Il faut se comparer au contexte nord-américain. Au Québec, les conditions sont similaires à celles que l'on retrouve en Amérique du Nord. De plus, les Québécois travaillent moins, en termes d'heures totales dans une année, que dans le reste du Canada et aux États-Unis.»