Un curieux litige a frappé l'industrie de l'alimentation du Québec au cours des derniers mois. Au coeur se trouve la famille Martel, accusée d'avoir berné Canada Bread, un des principaux fabricants de pains au Canada.

Transferts indus de clients, détournements de produits, fausse facturation, la liste des reproches de Canada Bread est longue. Ils visent plus particulièrement Serge Martel, ex-dirigeant de l'organisation. Devant l'insistance de Canada Bread, firme détenue par Maple Leaf, la famille Martel vient de répliquer avec des poursuites de 6,5 millions de dollars pour atteinte à la réputation.

Petite histoire

La genèse de cette histoire remonte à la vente du fabricant de sandwichs Aliments Martel (AMI) à Canada Bread, en janvier 2008. Le cofondateur, Raymond Martel, a vendu AMI pour 42 millions, plus 23 millions à être versés sous réserve de l'atteinte de certaines cibles financières. L'entreprise de Saint-Romuald, dans la région de Québec, comptait alors 425 employés.

Serge Martel, fils de Raymond Martel, continuait de travailler pour l'entreprise à titre de vice-président. Mais en mars 2009, coup de théâtre: Canada Bread met à la porte Serge Martel, Raymond Martel et quatre autres employés. Raison invoquée: après la vente, Serge Martel aurait volé l'entreprise et transféré certains actifs au sein de sa propre firme, FGB 2000.

À la base de sa dénonciation figure le témoignage précis d'un employé d'AMI, Roger Boucher, qui dit avoir été témoin des gestes litigieux commis par Serge Martel et certains employés. Parmi ces présumés gestes figurent de fausses dépenses facturées par Serge Martel à AMI, le transfert non autorisé de clients d'AMI vers FGB, l'appropriation indue de produits finis et de matières premières d'AMI et le paiement de commissions non autorisées en argent liquide à l'employé d'un fournisseur.

Canada Bread soutient que ces gestes ont fait perdre des revenus à AMI. Entre autres, en 2008, les ventes (d'environ 54 millions) ont reculé de 3,8 millions et les profits se sont transformés en pertes.

Dans sa réplique en cour, Serge Martel soutient que l'essentiel des allégations sont farfelues et fausses. Entre autres, un des transferts d'équipements est lié à la vente en bonne et due forme de la «ligne de beignes» d'AMI à FGB.

Selon la réplique, le dénonciateur, Roger Boucher, est resté amer de la vente d'AMI à Canada Bread, lui qui en détenait une participation indirecte. Si les ventes d'AMI ont reculé, selon le clan Martel, c'est en raison de la crise de la listériose qui a sévi chez Maple Leaf. Le père, Raymond Martel, soutient pour sa part que Canada Bread a également fait fi de ses recommandations, d'où les pertes enregistrées par AMI.

Poursuite pour diffamation

Malgré cette réplique, Canada Bread persiste. Dans une contre-réplique, déposée en janvier, Canada Bread soutient que la majorité des faits allégués par Roger Boucher demeurent exacts. L'entreprise continue d'affirmer qu'il y a eu fausse facturation, transfert indu de clients, appropriation d'équipements et de produits et recours par FGB à des employés d'AMI.

À l'origine, Canada Bread réclamait une injonction et des dommages à Serge Martel pour avoir brisé l'entente de non-concurrence inscrite à la vente. Le juge a toutefois rejeté ce volet. Aujourd'hui, Canada Bread ne réclame donc que 74 630$ de dommages à Serge Martel et FGB (connue sous le nom d'Excel).

Devant l'insistance de Canada Bread, la famille Martel vient de contre-attaquer avec des poursuites en diffamation, cette semaine. Raymond Martel réclame 5 millions à Canada Bread et Maple Leaf pour avoir sali sa réputation auprès de ses anciens employés et de l'industrie de l'alimentation. De son côté, Serge Martel poursuit le dénonciateur Roger Boucher pour 1,5 million pour atteinte à la réputation.

À la cour, le dossier principal est prêt à être plaidé. Le procès, dont la date n'est pas encore fixée, devrait durer plusieurs jours, à moins d'un règlement à l'amiable, évidemment. En attendant, l'entreprise FGB, copropriété de Serge Martel, continue de fonctionner normalement.

Serge Martel n'a pas répondu à nos appels et l'avocat Nick Rodrigo, qui représente Canada Bread, n'a pas voulu commenter l'affaire.