Grâce à des taux d'intérêt historiquement bas, le Québec est parvenu à réduire les coûts du service de sa dette, même si celle-ci n'a pas cessé d'augmenter.

Ce contexte financier de rêve est susceptible de se transformer en cauchemar avec la remontée prochaine des taux directeurs des banquiers centraux. En outre, le vieillissement de la population occidentale crée des pressions sur les coûts des services rendus par les États. Ils devront tous davantage emprunter, ce qui rendra les acheteurs de dette plus exigeants. À l'intérieur du G20, le point d'inflexion, c'est 2015, affirme Stéfane Marion, économiste en chef et stratège à la Financière Banque Nationale.

«Le service de la dette représente une menace à l'autonomie du Québec, si nous ne parvenons pas à stabiliser sa taille par rapport à celle de l'économie (le produit intérieur brut. PIB), prévient-il en entrevue. À partir de maintenant, une hausse du ratio dette/PIB entraînera une hausse des dépenses au service de la dette.»

Si le Québec choisit de garder ses services, il doit donc augmenter ses revenus pour stabiliser sa dette.

Il dispose de peu de temps pour montrer aux acheteurs d'obligations souveraines qu'il parvient à la contrôler. C'est un gage de sa capacité de rembourser ses prêteurs.

Or, notre dette publique correspond déjà à 94% de notre PIB. Dans ce triste palmarès, seuls le Japon, l'Italie, la Grèce et l'Islande font plus mauvaise figure. L'Islande n'est plus capable d'honorer la sienne, tandis que les difficultés de la Grèce créent beaucoup de tensions dans la zone euro.

Voilà pourquoi M. Marion souhaite que Québec oriente sa réflexion non pas seulement sur le rétablissement de l'équilibre budgétaire, mais en ayant surtout à l'esprit qu'il sera de plus en plus en concurrence sur les marchés pour se financer.

«Il faut éviter de nous faire imposer nos choix par les marchés internationaux, à moyen terme, clame-t-il. On ne veut pas de swaps de défaillance (CDS) sur les obligations du Québec.»

Ces produits financiers structurés sont une sorte de police d'assurance prise par le prêteur en cas de défaillance de l'emprunteur. Plus la prime est élevée, plus l'emprunteur doit consentir des taux élevés pour financer sa dette. Les CDS sont au coeur de la crise grecque.

M. Marion est présentement en tournée à l'étranger pour intéresser les investisseurs. Il assure qu'ils sont «encore réceptifs», mais craint que cela puisse changer.

Au rythme actuel de la croissance de notre dette et de la montée prévisible des taux d'intérêt, le service de la dette pourrait absorber jusqu'à 14% des revenus de Québec vers 2014. C'est l'équivalent de la péréquation.

«Le Québec consacre 10% de moins que les autres provinces à l'éducation et aux transports et pourtant, ce sont des dépenses productives», déplore-t-il.

Que faire alors dans les circonstances? «J'espère que le gouvernement ne fermera pas la porte à un plan innovateur de stabilisation du ratio de la dette sur PIB, poursuit-il. Presque toutes les mesures doivent être envisagées pour générer des revenus, à part l'impôt sur les revenus des ménages et des entreprises.»

Il s'étonne donc qu'on renonce à majorer les tarifs d'électricité sous prétexte que les paiements fédéraux de péréquation diminueraient. «Quel est l'objectif: trouver davantage de revenus ou recevoir de la péréquation?»

Plus de revenus suppose aussi recourir au principe de l'utilisateur payeur, par exemple sur les ponts ou les autoroutes. «Pourquoi ne pas commencer à tester l'élasticité de la demande?»