Les congés de maladie accumulés sont une véritable pomme de discorde au gouvernement du Québec. L'employeur veut forcer les fonctionnaires à vider leur banque de congés, mais ces derniers refusent net. L'enjeu est considérable, puisque ces congés représentent une dette de 717 millions de dollars, a appris La Presse Affaires.

Cette somme n'est pas qu'une lubie de comptables. Au fil des ans, le gouvernement a dû inscrire dans ses livres les sommes à payer au titre de congés accumulés, si bien que ces 717 millions font partie de notre endettement collectif.

La question a été abordée dans un document déposé en février par le ministère des Finances et portant sur la dette. Pour se conformer aux exigences du Vérificateur général, Québec a même créé un fonds destiné à couvrir ses engagements futurs à cet égard, en octobre 2008. Cette cagnotte, baptisée Fonds des congés de maladie accumulés, est gérée par la Caisse de dépôt et placement.

L'enjeu fait partie des négociations actuelles dans le secteur public. Sur les 530 000 employés de l'État, quelque 60 000 peuvent accumuler leurs congés de maladie, essentiellement les fonctionnaires. Les employés du réseau de la santé et de l'éducation ne peuvent plus accumuler de tels congés.

Le gouvernement demande à ces 60 000 fonctionnaires de vider leur banque au cours des cinq prochaines années. Les congés seraient monnayés à raison de 70% de leur valeur, indique un communiqué du gouvernement daté du 8 février. La date butoir des négociations est le 31 mars.

De 28 à 69 jours par employé

Au Conseil du Trésor, on refuse de nous indiquer le nombre de jours de congé accumulés par employé. Harold Tremblay, porte-parole, précise seulement que les cadres non syndiqués n'ont pas droit à un tel traitement.

Toutefois, des sources syndicales nous parlent de 28 à 69 jours par employé, en moyenne, selon le type d'emploi. L'écart entre les employés est grand, si bien que certains en auraient beaucoup plus. Bien souvent, ces congés accumulés servent à faire le pont avant la retraite.

La proposition patronale a été très mal reçue par les syndicats. «C'est un coup de cochon du gouvernement, un truc absolument irrecevable. Jamais je ne pourrai convaincre mes membres d'accepter ça», nous dit Gilles Dussault, président du SPGQ, le syndicat représentant les 20 000 professionnels du gouvernement.

Selon M. Dussault, la proposition de monnayer les congés accumulés à 70% de leur valeur incitera les fonctionnaires plus âgés à précipiter leur retraite pour profiter pleinement de la valeur de leur congé. Or, dit-il, «on perd de l'expertise qu'on ne remplace pas. La fonction publique s'appauvrit», dit M. Dussault.

Le président du SPGQ rappelle que le gouvernement peine de plus en plus à trouver des jeunes professionnels qualifiés aux conditions actuelles, attirés par le privé. Les membres du SPGQ sont des diplômés universitaires et gagnent de 36 000$ à 77 000$.

Lucie Martineau, présidente de l'autre syndicat visé (SFPQ), estime que le gouvernement peut faire des économies ailleurs, comme avec la réduction de la sous-traitance. Le SFPQ représente les 40 000 ouvriers, techniciens et employés de soutien du gouvernement, qui gagnent entre 29 000$ et 50 000$.

«Le gouvernement nous paie moins que dans le privé, mais en échange, il nous a donné des congés de maladie cumulables. Or, il veut maintenant nous les enlever. En plus, ce nouveau régime va à l'encontre de la conciliation travail-famille, dont le gouvernement se targue d'être le promoteur», dit Mme Martineau.

«Billet du médecin»

L'employeur peut demander un certificat médical à quiconque s'absente pour maladie. Le «billet du médecin» est obligatoirement exigé pour une absence de trois jours ou plus pour maladie.

Par ailleurs, Québec propose à la plupart des 530 000 employés des secteurs public et parapublic de faire passer de 12 à 8 jours le nombre de congés de maladie annuels. Actuellement, 6 des 12 jours peuvent être pris pour des questions liées à la famille immédiate.

Fait à préciser, la proposition du gouvernement semble destinée à inciter les employés à ne jamais s'absenter. En effet, le taux de remboursement des journées non utilisées à la fin de l'année diminue avec le nombre.

Ainsi, un employé qui n'utiliserait aucune des huit journées accordées pourrait se faire monnayer ces huit jours à 100% de leur valeur. Par contre, un employé qui prendrait une journée ne se ferait rembourser que 70% des sept jours restants. Le taux de remboursement passerait à 50% dès qu'il resterait cinq jours ou moins. «Plus t'en prends, moins tu es payé», déplore Mme Martineau.

La Presse Affaires n'a pu savoir combien le gouvernement espère récupérer avec ces propositions sur les congés de maladie.