À quelques semaines du prochain budget provincial, les Québécois sont d'humeur à faire des efforts pour redresser les finances publiques. Mais les mesures favorisées par les contribuables, afin de réduire le lourd déficit budgétaire de l'État, réservent quelques surprises.

Les Québécois sont favorables au principe général de la tarification. Mais s'ils avaient à choisir, ils opteraient pour les péages sur les autoroutes bien avant la hausse des tarifs d'électricité.

Voilà ce qui ressort d'un sondage de La Presse Affaires réalisé par la maison Angus Reid. Quelque 70% des répondants ont indiqué qu'ils favorisaient davantage le principe d'une tarification pour l'utilisateur, contre 30% celui d'un accès gratuit aux services, mais payé par l'ensemble des contribuables.

Le péage sur les autoroutes reçoit une forte adhésion. Quand La Presse propose aux répondants cinq options pour éliminer le déficit du Québec, celle des péages recueille l'adhésion de 60% des Québécois, contre 15% pour la hausse des tarifs d'électricité.

Le sondage a été réalisé par internet auprès de 803 Québécois représentatifs de la population. Le coup de sonde a eu lieu les jeudi et vendredi 18 et 19 février. Sa marge d'erreur est de 3,4 points de pourcentage, 19 fois sur 20.

Sachant que la population est généralement défavorable à toute ponction fiscale additionnelle, quelle qu'elle soit, La Presse a contraint les répondants à faire des choix. Dans un premier temps, nous avons proposé cinq mesures qui permettraient au gouvernement de recueillir environ 1,2 milliard de dollars. Le gouvernement du Québec, rappelons-le, se dirige vers un déficit de 4,7 milliards de dollars pour l'année en cours.

En plus de l'électricité et du péage, nous avons suggéré la réduction des salaires de tous les employés de l'État (fonctionnaires, infirmières, enseignants, etc.), de même qu'une hausse de la TVQ ou une hausse de l'impôt sur le revenu.

Pour obtenir 1,2 milliard, le gouvernement devrait augmenter la TVQ d'un point de pourcentage, les tarifs d'électricité de 13% ou encore l'impôt sur le revenu de 6,7%, environ. Il pourrait encore opter pour une réduction des salaires des employés de l'État de 4%. Un péage électronique sur les autoroutes serait facturé à raison de 10 cents le kilomètre dans la région de Montréal et de 5 cents ailleurs.

Sans surprise, devant toutes ces options, les Québécois préfèrent celle qui les touche le moins, soit la réduction du salaire des employés de l'État. Quelque 63% des répondants en font leur 1er ou 2e choix parmi les cinq proposés. Le péage suit de près, avec 60%, suivi de la TVQ (50%). L'électricité et l'impôt ferment la marche, avec respectivement 15 et 12% d'adhésion.

Pour s'assurer de la solidité de leur adhésion, La Presse Affaires a proposé les cinq options par groupe de deux. Ainsi, entre la TVQ et le péage, c'est le péage qui obtient la faveur populaire, dans une proportion de 58% (contre 42% pour la TVQ).

Quand on le compare à l'électricité, le péage recueille l'adhésion de 78% des répondants, contre 22% pour l'électricité. Même résultat lorsqu'on le compare à l'impôt sur le revenu.

«Le syndrome pas-dans-ma-cour demeure, mais l'idée de la tarification fait son chemin. Les gens semblent choisir l'option pour laquelle ils auront le plus de contrôle. Par exemple, le péage pourrait être évité en utilisant d'autres routes que les autoroutes payantes. C'est moins évident pour l'électricité», croit l'économiste Jean-Pierre Aubry, collaborateur au CIRANO.

Le directeur général de Transport 2000, Normand Parisien, se réjouit de ces résultats. «Je suis surpris par l'ampleur de la progression de cette idée du péage sur les routes depuis 15 ans. À la lumière des résultats, on serait tenté d'aiguiller le gouvernement dans cette voie», a dit M. Parisien, dont l'organisme milite pour le transport collectif.

Le péage électronique avec une facture mensuelle est un système qui fonctionne sur l'autoroute 407 à Toronto. Les automobilistes pressés peuvent choisir cette autoroute, tandis que les autres peuvent utiliser l'autoroute publique, plus encombrée.

Des projets pilote sont en cours aux États-Unis pour mesurer la faisabilité d'un péage électronique plus étendu. Cette option nécessiterait toutefois des investissements importants, davantage qu'une taxe sur l'essence, par exemple.

La Presse a estimé ce que coûteraient les cinq options pour un contribuable moyen. Ces chiffres n'ont pas été intégrés aux questions car ils varient beaucoup selon le type de contribuable ou de consommateur.

Par exemple, la hausse d'un point de la TVQ coûtera en moyenne 240$ à 320$ par contribuable par année, comparativement à quelque 250$ pour la hausse de 13% des tarifs d'électricité (maison type de quelque 1800 p2).

Dans le cas du péage, un trajet vers le centre-ville de Montréal depuis Laval coûterait environ 1,30$, soit 13$ par semaine pour ceux qui font l'aller-retour durant les cinq jours de semaine. Chaque année, un tel péage pour un utilisateur quotidien de la voiture reviendrait donc à quelque 600$.

Enfin, un particulier qui gagne 60 000$ verrait ses impôts québécois augmenter d'environ 500$ par année avec une hausse de 6,7%.