Lourdement endetté, le Québec doit s'attaquer maintenant à son problème budgétaire, affirme un comité d'experts qui proposait hier diverses avenues menant à une solution «durable». Le défi s'annonce d'autant plus difficile que des économistes prévoient une reprise plutôt lente dans la Belle Province pour les deux prochaines années.

L'équilibre budgétaire à long terme du Québec passe par un pacte entre le gouvernement et ses contribuables: pour chaque dollar de plus qu'il puisera dans leurs poches, l'État doit réduire ses dépenses d'un dollar.

C'est ce que propose le quatuor d'économistes mandaté par le ministre des Finances Raymond Bachand pour l'aider à résoudre le casse-tête du vieillissement de la population et de l'augmentation du coût des services publics.

Dans le troisième et dernier volet de leur travail rendu public hier, les économistes Robert Gagné, Claude Montmarquette, Luc Godbout et Pierre Fortin soulignent que les mesures déjà annoncées par le ministre des Finances pour retrouver l'équilibre budgétaire en 2013-2014 sont nettement insuffisantes.

«Le déficit conjoncturel (causé par la récession) va disparaître, mais le déficit structurel (causé par des dépenses plus importantes que les revenus) et le déficit démographique (causé par le vieillissement de la population) vont s'aggraver, a expliqué Pierre Fortin. On se retrouve avec une empilade de trois déficits.»

Pour y faire face, le comité d'experts propose au gouvernement d'agir autant du côté des dépenses que des revenus à 50-50. Il suggère des réductions de dépenses de 5,6 milliards et une augmentation de revenus de 5,6 milliards pour éliminer le déficit prévu de 11,2 milliards en 2013-2014.

Du côté des dépenses, les quatre économistes ont déjà établi que le gouvernement du Québec finance pour 17, 5 milliards de plus de services que celui de l'Ontario. Ces dépenses supplémentaires doivent être examinées en premier, même si elles concernent des secteurs sensibles comme la santé, l'éducation et la famille. «La première place où il faut commencer, c'est la santé, ce n'est pas dans le ministère des photocopieurs», a lancé Robert Gagné.

Selon lui, le Québec doit s'inspirer de ce qui se fait de mieux ailleurs et associer le privé au secteur de la santé. «Ce qu'on a fait jusqu'à maintenant, mettre toujours plus d'argent, ne semble pas fonctionner», a-t-il dit.

Tous les programmes de dépenses devraient d'ailleurs être évalués périodiquement et abandonnés s'ils ne donnent pas les résultats escomptés. L'aide aux entreprises, qui atteint 3,3 milliards par année, est un autre exemple de dépenses à reconsidérer. «Les entreprises elles-mêmes disent que ce n'est pas utile», a commenté Claude Montmarquette.

Le gouvernement Charest a annoncé son intention de limiter la croissance des dépenses à 3,2% par année. Le quatuor d'économistes propose de les réduire encore plus, à 2,5% par année. Une fois l'équilibre budgétaire retrouvé, la croissance des dépenses ne devrait plus dépasser le taux de croissance économique.

En plus de réduire les dépenses de programmes, il est aussi possible d'augmenter la productivité du secteur public (notamment dans les sociétés d'État comme Hydro-Québec) de 1%. «Un pour cent, ce n'est pas la mer à boire», estime Robert Gagné.

Du côté des revenus, le comité d'experts a déjà indiqué sa préférence pour des augmentations de tarifs, qui font moins mal à la croissance économique que les hausses d'impôt.

Il en propose plusieurs, comme l'augmentation des frais de garde de 7 à 10$, la hausse de 1,5 cent du tarif d'électricité patrimonial et l'instauration de frais de 25$ par visite médicale.

Les économistes espèrent être écoutés, mais ils ne se font pas d'illusion sur ce que contiendra le prochain budget, dans quelques semaines. Il ne faut pas espérer un coup de barre brutal, mais il n'est pas trop tard pour annoncer des intentions», a commenté Claude Montmarquette.

QUATRE MESSAGES

Agir maintenant

Il faut rétablir l'équilibre budgétaire au Québec d'ici quatre ans, selon la cible fixée par le gouvernement en mars 2009.

Une approche équilibrée

Il faut ajuster la croissance des dépenses à celle des revenus, elle-même déterminée par la croissance économique.

Dépenser et taxer mieux

L'État doit mieux dépenser, mais aussi taxer mieux. Il faut privilégier les taxes et les tarifs, plutôt que les impôts directs.

Garder espoir

Malgré la population vieillissante, il est possible de maintenir l'équilibre budgétaire à long terme et de réduire la dette, conclut le comité.

QUELQUES CHIFFRES

1,6 milliard

Revenu additionnel tiré de la hausse de 1% de la taxe de vente au Québec, à 9,5%

1,25 milliard

Effet sur les revenus de l'État d'une hausse de 10 cents le litre de la taxe sur le carburant

2,2 milliards

Impact de la hausse graduelle des tarifs de l'électricité «patrimoniale» (+1,5 cent/kWh)

670 millions

Mise en place d'une contribution santé de 25$ par visite médicale