Robert Losson a émigré de Belgique en 1958. C'est le pays du grand Jacques Brel, qui a écrit la chanson Les Vieux avant d'en devenir un, emporté par le cancer à l'âge 49 ans.

«Les vieux ne bougent plus, leurs gestes sont trop raides, leur monde est trop petit. Du lit à la fenêtre, puis du lit au fauteuil et puis du lit au lit. Et s'ils sortent encore, bras dessus, bras dessous, tout habillés de raide. C'est pour suivre au soleil l'enterrement d'un plus vieux, l'enterrement d'une plus laide.»

Même si leur naissance n'est séparée que d'une année, Jacques Brel n'a visiblement pas croisé Robert Losson sur sa route.

Cet homme plein d'énergie a commencé à travailler durant la Deuxième Guerre mondiale, alors qu'il était âgé de 14 ans. Aujourd'hui, il a 64 années d'expérience en boulangerie derrière le tablier. Aujourd'hui, il a 79 ans.

«Je ne suis pas capable de rester assis», répète sans cesse Robert Losson. Il n'y a que Sacha, son gros chat gris, qui se vautre chez lui. Lui arpente d'un bout à l'autre son petit logement aux étagères chargées de bibelots, au 16e étage d'une tour qui surplombe la rivière des Prairies à Laval.

La vue est magnifique. Mais pour rien au monde Robert Losson, veuf depuis 10 ans, ne souhaite passer ses journées à regarder les canards batifoler.

Lui qui a travaillé toute sa vie se cherche un nouvel emploi depuis deux mois. Il convoite un poste d'aide-cuisinier, puisqu'il ne souhaite plus travailler de nuit. «Mais il n'y a rien que je ne ferais pas, même laver des malades.»

Ce n'est pas tant une question de nécessité financière qu'une question de survie. «Quand tu as travaillé toute sa vie, dit-il, si tu t'arrêtes, c'est toute la machine qui s'arrête.»