L'ex-ministre du Travail, David Whissell, se retrouve Gros-Jean comme devant. À l'automne dernier, il a démissionné de son poste de ministre, préférant rejoindre son entreprise ABC Rive-Nord. Or, voilà que l'entreprise d'asphaltage ne veut pas de lui, a appris La Presse Affaires.

Une dispute à ce sujet a même éclaté entre les actionnaires, il y a quelques semaines, et le dossier est maintenant devant la Cour supérieure. Pour régler l'affaire, David Whissel envisage de racheter la part de l'entreprise qu'il ne détient pas (80%) pour la somme de 16 millions de dollars.

Le député d'Argenteuil, rappelons-le, a quitté le caucus libéral à l'automne 2009 après que le premier ministre Jean Charest eut resserré les règles d'éthique. David Whissel devait alors choisir entre son poste de ministre et l'entreprise ABC Rive-Nord, même si sa participation était détenue dans une fiducie sans droit de regard.

Au cours des mois précédents, David Whissel avait fait l'objet d'allégations de conflits d'intérêts, puisque ABC Rive-Nord obtenait de généreux contrats gouvernementaux. On a également appris par la suite que ABC avait acquis, en mai 2008, l'entreprise d'asphaltage d'un sympathisant des Hells Angels, Claude Lapointe. Cédant à la pression, l'ex-ministre avait donc choisi de démissionner de son poste de ministre plutôt que de vendre ses actions de ABC Rive-Nord.

Or, une requête en Cour fait état de la curieuse suite des choses. Après son départ, David Whissel a demandé d'être embauché à temps plein par ABC Rive-Nord, lui qui en est indirectement actionnaire à 20%. Le 2 décembre, il a ainsi fait parvenir une lettre à ABC l'informant de son désir, selon la requête. Mais l'entreprise lui a opposé une fin de non-recevoir.

Le 23 décembre, l'autre groupe d'actionnaires lui a plutôt offert de racheter ses actions pour quelque 4 millions de dollars. Cette offre a été faite dans le cadre de la convention qui existe entre les deux groupes d'actionnaires, soit 9051-4076 Québec inc. (80%) et l'entreprise familiale de David Whissel (9101-0983 Québec inc., qui détient 20%).

Une clause de shot-gun

Cette convention stipule que si l'un des deux groupes veut racheter l'autre, il doit le faire en vertu d'une clause dite de «shot-gun». En vertu de cette clause, le premier groupe d'actionnaires est tenu d'accepter de se faire racheter à moins d'offrir un prix équivalant pour les actions de l'autre partie.

Le 23 décembre, David Whissel a donc été avisé du déclenchement de la clause de shot-gun. L'entreprise 9051-4076, dirigée par Claude Chagnon, a offert 4 millions pour les actions de l'entreprise de M. Whissel. En réponse, David Whissel a demandé d'avoir accès aux états financiers d'ABC Rive-Nord afin de porter un jugement sur l'entreprise et de répliquer par une contre-offre de 16 millions (pour les 80% d'actions qu'il ne détient pas).

L'entreprise de Claude Chagnon a non seulement refusé l'accès aux livres, jugeant qu'elle n'en avait pas l'obligation, mais a exigé de David Whissel qu'il donne la preuve qu'il est en mesure de financer le rachat à hauteur de 16 millions. David Whissel demande donc à la Cour supérieure d'intervenir au moyen d'une injonction. Il demande le plein accès aux états financiers de l'entreprise, en plus d'exiger la suspension de l'avis de shot-gun, qui prenait fin le 23 janvier. Il fait également une demande d'arbitrage du dossier.

Nous avons tenté à plusieurs reprises de joindre David Whissel et Claude Chagnon, mais sans succès. L'avocat de David Whissel, Bertrand Giroux, a répondu par courriel qu'il ne voulait pas parler de l'affaire.