Les imprimeries de feu Pierre Péladeau seront désormais dirigées des États-Unis. À moins qu'un autre preneur ne se pointe, l'imprimeur World Color Press (T.WC) sera racheté par Quad/Graphics de Sussex, au Wisconsin.

Cette transaction va permettre à la plupart de nos employés de travailler pour une entreprise plus efficace, qui est mieux positionnée dans une industrie dynamique et concurrentielle», a déclaré hier matin le président et chef de la direction de World Color, Mark Angelson, au cours de la téléconférence annonçant la transaction. Notez ici qu'il parle de «la plupart» de ses employés, et non de la totalité.

En entretien avec La Presse Affaires un peu plus tard, M. Angelson a été à peine plus précis. «Il y a des redondances, selon ce que je comprends... Les gens de Quad vont choisir les meilleurs employés, sans discrimination de l'entreprise d'où ils viennent.»

Concernant le sort des quelque 200 employés du siège social du boulevard De Maisonneuve, le grand patron de Quad, Joel Quadracci, a affirmé que son entreprise «va évidemment continuer à avoir une présence à Montréal». Mais le siège social proprement dit restera au Wisconsin.

Quand on s'y est présenté en début d'après-midi, une feuille sur le mur nous invitait à joindre le responsable des communications pour toute question. Une employée a quand même eu ce commentaire: «C'est comme dans toute acquisition, il y a des gens que ça dérange et il y en a d'autres que ça ne dérange pas.»

Quad a évalué à 225 millions de dollars sur deux ans les synergies, un chiffre que le patron de World Color a jugé «un peu conservateur».

En vertu de l'entente annoncée hier, les actionnaires de World Color, connue avant sous le nom Quebecor World, vont détenir 40% de Quad/Graphics. L'imprimeur, actuellement une société à capital fermé, profite de la transaction pour annoncer son entrée sur une grande Bourse américaine. Le prix de la transaction dépendra donc de la valeur des actions lors de l'émission, prévue à l'été.

«On ne connaît pas exactement le prix d'achat», a d'ailleurs reconnu M. Angelson, à une question d'un analyste de la Royal Bank of Scotland, qui se demandait s'il avait manqué quelque chose. Le Wall Street Journal l'a estimée à 1,3 milliard ou 1,4 milliard, citant des personnes proches du dossier.

Dans une note à ses clients, l'analyste Drew McReynolds, de RBC Marchés des capitaux, estime que le prix payé revient à 14,25$ l'action.

En Bourse, les investisseurs ont semblé plus prudents dans leurs calculs. Le titre de World Color a fini la journée à 12,65$, grimpant quand même de 26,25% pour atteindre un sommet depuis la fin de sa restructuration sous la protection des tribunaux l'été dernier.

M. McReynolds n'exclut pas que d'autres imprimeurs fassent monter les enchères. Il mentionne le plus important en Amérique du Nord, R. R. Donnelley, qui a déjà manifesté son intérêt l'an dernier.

M. Angelson a refusé de dire si lui-même avait parlé avec d'autres acheteurs potentiels. Il nous a plutôt référé aux documents que Quad devra soumettre aux autorités réglementaires américaines.

Dans un marché encore très fragmenté, les activités combinées des deux imprimeurs généreront des revenus de 5 milliards, avec un bénéfice de 872 millions pour les 12 derniers mois, incluant les synergies. Quad emploie 11 500 personnes, comparativement à 18 000 pour World Color. La transaction en fera le deuxième imprimeur en Amérique du Nord, derrière R.R. Donnelley.

Au-delà de ces chiffres, les deux entreprises sont «grandement complémentaires», tant géographiquement que par leurs activités, a expliqué M. Angelson. Historiquement, a-t-il dit, Quad n'était pas présente au Canada, pas plus qu'au Chili, au Pérou, en Colombie ou au Mexique, comme l'est le bébé de Pierre Péladeau. En plus, World Color imprime des annuaires et des livres, un nouveau marché pour Quad.

Les Quadracci vont garder le contrôle de la société en Bourse, grâce à des actions avec droits de vote multiples. Joel Quadracci va rester à la barre, alors que Mark Angelson doit siéger au conseil d'administration de Quad.