Le PDG de la Caisse de dépôt et placement, Michael Sabia, juge qu'il faut carrément rebâtir les fondations de l'institution. Sous sa gouverne, la Caisse veut retrouver la confiance des déposants, des employés et des Québécois, lourdement ébranlés par la crise.

Au cours d'une rencontre, le gestionnaire a fait part de sa vision aux représentants de La Presse. Il était accompagné du chef des investissements, Roland Lescure, et du premier vice-président, initiatives stratégiques, Bernard Morency.

«Avant de construire une maison, il faut avoir une fondation. Après, il faut bâtir, brique par brique», a-t-il expliqué.

Un désaveu de l'ère Rousseau

Sans parler ouvertement de l'ex-PDG Henri-Paul Rousseau, les propos de Michael Sabia ne sont ni plus ni moins qu'un désaveu de l'administration précédente. Durant l'entrevue, M. Sabia s'est dit particulièrement sensible aux préoccupations des déposants (RRQ, CSST, RREGOP, etc.), irrités par les mauvaises surprises.

L'institution leur offre maintenant la possibilité de placer une grande partie de leurs avoirs dans des fonds indiciels, qui calquent les performances des indices boursiers à l'international (voir encadré en pages 2-3).

«Il faut mise sur nos avantages comparatifs», dit M. Sabia, selon qui la Caisse est performante dans les portefeuilles d'actions canadiennes et d'obligations, de même que dans l'immobilier traditionnel et les placements privés.

Michael Sabia a qualifié de «bouillabaisse» le portefeuille de rendement absolu de l'administration précédente, aboli depuis. À lui seul, ce portefeuille qui comportait 8000 positions sur les marchés a fait perdre 2,0 milliards de dollars à l'institution. Le PDG s'est également montré critique envers les papiers commerciaux PCAA qui, en plus d'être complexes, ont été «achetés avec du levier à 100%».

Pour Michael Sabia, la course annuelle aux rendements est chose du passé. Le patron de la Caisse ne cherchera plus à être dans le premier quartile des meilleures caisses de retraite chaque année, mais visera plutôt l'excellence à long terme.

Sous l'ère Rousseau, la Caisse a terminé parmi les meilleures chaque année, mais au prix d'investissements complexes et risqués. La facture est apparue à la sixième année, avec une perte de près de 40 milliards de dollars en 2008, soit -25%.

Michael Sabia n'a pas voulu donner un aperçu des résultats de 2009, qui seront connus à la fin de février, mais souligne qu'il s'agit encore d'une année de «transition douloureuse».

Les résultats de la Caisse seront ternis par la dégringolade de l'immobilier, notamment aux États-Unis, où la Caisse est très présente. Le portefeuille de l'institution est solide à long terme, mais, en 2009, les résultats devront refléter les baisses de valeur, règles comptables obligent. Dans le marché, ces baisses ont atteint de 40 à 50% entre le sommet et le creux.

En particulier, le rendement de la Caisse perdra des plumes avec le dégonflement des prêts hypothécaires de deuxième rang sur les immeubles commerciaux américains.

En août, l'institution avait d'ailleurs annoncé son retrait de ce secteur. Elle avait alors indiqué qu'à la mi-année 2009, le rendement de la Caisse sur les marchés était de 5%, mais tombait à 0% une fois retranché l'effet immobilier. Aux plus récentes nouvelles, le rendement des 10 premiers mois de 2009 tournait autour de 5 ou 6%.

Une institution plus prudente

«Notre objectif n'est pas d'éviter les risques, car c'est inhérent à l'investissement, mais plutôt de mieux les gérer. Il faut créer une institution plus conservatrice», dit-il.

En étant plus prudente, la Caisse espère retrouver la confiance des Québécois. Cette confiance, elle sera également alimentée par la plus grande transparence de la Caisse, explique M. Sabia, comme la publication de résultats sommaires à la mi-année.

Michael Sabia veut aussi redonner aux employés de la Caisse leur fierté d'antan. En mars dernier, à son arrivée, il dit avoir vu à la Caisse «franchement» la pire situation de sa carrière du point de vue de l'atmosphère de travail. «Pire que le Canadien National à mes débuts et pire que BCE dans le pire moment (de mon mandat)», a-t-il dit.

Au cours des trois prochaines années, Michael Sabia veut donc refaire les fondations de la Caisse. Au centre des préoccupations figureront les déposants, à qui l'on offrira plus de flexibilité dans le choix des placements. Un changement de culture dans la gestion du risque fait également partie des priorités de la Caisse, tel que l'écrit le PDG dans une lettre publiée dans La Presse, hier.