La Jeune chambre de commerce haïtienne a été fondée en 2002 par de jeunes Québécois d'origine haïtienne, qui déploraient l'absence de toute association d'entrepreneurs de leur communauté. C'est dire la courte tradition entrepreneuriale de cette communauté. Elle compte maintenant quelque 250 membres.

« On constate un glissement de notre clientèle, observe la présidente du conseil d'administration, Kerlande Mibel. Avant, c'était essentiellement des jeunes professionnels. On voit maintenant beaucoup d'entrepreneurs au sein de la Jeune chambre. »

Et pas seulement dans les entreprises de services. « Il commence à en avoir pas mal en environnement et dans les nouvelles technologies », poursuit-elle.

Elle cite en exemple le gagnant du dernier Gala d'excellence de la Jeune chambre, Pascal Audant, fondateur avec son père d'une entreprise qui a créé une nouvelle technologie de représentation et de communication par images mentales animées. Unima a signé en juillet dernier une entente de diffusion avec un fabricant de logiciels chinois.

« Je vois le changement, constate encore Kerlande Mibel. On a lancé en octobre dernier un appel pour une mission commerciale en Haïti. Huit entreprises sont parties avec nous, des entreprises dans le textile, la formation, les télécommunications, l'agriculture l'environnement. »

Mitchell Daudier, présidente de Thellen Environnement, firme de consultants en gestion de l'environnement et de la santé et sécurité, était du nombre.

Son père était gestionnaire en Haïti, et a fondé une petite société de taxis une fois arrivé ici. C'est maintenant sa mère qui en tient les rênes.

Bref, contrairement à l'idée reçue, « ça court dans la famille », lance Mitchell Daudet. En 1995, six mois à peine après la fin de ses études, elle a fondé sa firme-conseil. Presque 15 ans plus tard, elle compte 10 employés.

Elle n'y voit rien d'extraordinaire, ni aucune matière à orgueil. « Je ne dis pas que je suis une Haïtienne en entreprise, ni une femme en entreprise. Je suis une personne en entreprise. »

Elle reconnaît cependant le mérite des premières générations d'immigrants haïtiens, qui ont dû apprivoiser le pays, le climat, la culture. Elles ont préparé le terreau dans lequel allaient croître leurs enfants. « On ne serait pas là sans eux, exprime-t-elle. Je suis allé à l'université et c'était normal. »

C'est cet état d'esprit, cette ouverture aux affaires que Kerlande Mibel souhaite voir se propager : « Il faut instaurer un changement de mentalité, amener la communauté à voir l'entrepreneuriat comme un choix de carrière viable. »

Déjà, cette vision court chez les jeunes.

« L'entrepreneuriat n'était pas très courant dans la génération de nos parents, mais dans ma génération, je peux voir la différence, constate Jefferson Roc. Je ne suis pas le seul de mon âge qui entreprend un projet. Il y a une relève. On veut faire les choses différemment. On veut prendre notre place au Québec. »

Il résume : « On veut aider. »