La décision de la Régie des rentes de répondre favorablement à une demande d'accès à l'information a provoqué une brèche importante dans la stratégie de la Caisse de dépôt et placement de cacher ses chiffres jusqu'au dépôt de son rapport annuel, à la fin de février.

Les 28 milliards de dollars que gère la Caisse de dépôt (CDP) au nom de la Régie des rentes ne se sont appréciés que de 6,55% au cours des 11 premiers mois de 2009.

Ces résultats pour l'un des principaux déposants de la CDP sont une indication solide que la première année de la CDP avec Michael Sabia à la barre n'offrira que des rendements médiocres, comparativement aux 15% de la moyenne des autres fonds comparables au pays.

Les chiffres de la Régie des rentes (RRQ) pour la période se terminant en novembre 2009 ont été obtenus en vertu de la Loi sur l'accès à l'information par l'Association québécoise des retraités des secteurs publics et parapublics.

Des sources sûres ont indiqué à La Presse que la décision de la Régie des rentes de publier ces chiffres a carrément enragé le président de la CDP, Michael Sabia. Un membre de son personnel a passé un coup de fil au bureau du président de la Régiedes rentes, André Trudeau, pour bien marquer le mécontentement de la Caisse.

«On n'a pas de permission à demander à la Caisse de dépôt», a dit sans appel Herman Huot, porte-parole de la Régie des rentes. La demande de l'association des retraités portait sur un rapport jugé accessible par le contentieux de la Régie, après une vérification spécifique faite par le responsable de l'accès à la Régie, Me Benoît Laniel. Le «rapport mensuel de l'avoir» continuera d'être disponible en vertu de la loi sur l'accès, de s'engager M. Huot. À la Caisse, le porte-parole, Maxime Chagnon, invite à la prudence le portrait de l'avoir du déposant RRQ ne reflète pas la totalité du portefeuille de la caisse. Au surplus, bien que produit le 30 novembre, il comporte des éléments qui ne sont évalués que deux fois l'an, à la fin de juin par conséquent.

Ces résultats un rapport d'une dizaine de pages confirment les informations publiées par La Presse, au début de novembre. On avait alors révélé que les résultats globaux de la CDP pour 2009 seraient autour de 6%, alors que l'ensemble des caisses de retraite au Canada faisaient bien meilleure figure. Depuis, il y a deux semaines, l'indice Mercer, qui prend le pouls de l'ensemble des régimes de retraite au Canada, a statué que la moyenne des fonds de retraite au Canada s'était appréciée d'un solide 15%en 2009.

Selon Madelaine Michaud, présidente de l'Association des retraités, «encore cette année, la Caisse fera moins bien que les autres. Les pertes de 2008 ne seront probablement jamais récupérées en totalité». L'Association réclame qu'un de ses représentants soit convié à siéger au conseil d'administration de la CDP, pour que sa gestion «cesse de se faire derrière des portes closes».

Les 28 milliards déposés par la RRQ à la Caisse de dépôt représentaient une augmentation de 6,55% par rapport aux avoirs du début de 2009. En 2008, la Caisse avait connu la pire année depuis sa création en 1965, avec une dépréciation de 25% des placements et des pertes totales de 40 milliards. Durant la tempête financière de l'automne 2008, le gouvernement Charest avait souligné qu'un rendement à long terme de 7% permettait à l'organisme de maintenir à flot les différentes caisses de retraite et fonds de stabilisation qu'il gère. Déjà à laCDP, on seprépare à rabaisser quelque peu la barre, en plaidant que les très faibles.

Les résultats de la CDP la placeront clairement dans le peloton de queue, lorsque l'organisme publiera officiellement ses chiffres, à la fin de février, dans son rapport annuel. Même si les résultats de la Régie des rentes sont préliminaires, ils ne s'éloigneront pas beaucoup des chiffres finaux , indiquent bien des sources à La Presse.

La fin de l'année 2009 de la CDP est aussi le moment de réévaluer la valeur du parc immobilier, un secteur qui ne s'est guère apprécié. La remontée de la devise canadienne vient sabrer la croissance dans les marchés étrangers. Les résultats décevants de la Caisse s'expliquent en partie par le fait que l'organisme était en réorganisation encore au printemps dernier, quand les marchés boursiers ont carrément décollé. Avec des procédures d'évaluation du risque accrues, des départs à des postes stratégiques, la CDP a manqué le bateau. Elle s'est ajustée, mais trop tard. Sa performance sera donc difficilement comparable à celle des autres fonds.