Loto-Québec a prêté 82 millions de dollars et acquis le tiers d'une entreprise de gestion de casinos en France, une société tellement mal en point que la société d'État québécoise a déjà renoncé à des intérêts qui ne lui étaient payables qu'en 2016.

À l'Assemblée nationale hier, le député indépendant Éric Caire a souligné que c'était silence radio du côté de la société d'État depuis 2007 dans ce dossier. Loto-Québec avait alors réalisé 500 000$ de profits sur son investissement, deux fois moins qu'en 2006.

En 2008, Loto-Québec a reconnu des pertes qu'elle n'a pas voulu chiffrer. Le partenaire de Loto-Québec en France, Moriflor Loisir, est le troisième gestionnaire de casinos en importance dans un pays où l'activité du jeu est très lourdement taxée. Avec son prêt de 82 millions, Loto-Québec a acquis 35% de participation dans l'entreprise, pour une valeur de 4,8 millions, a expliqué M. Caire à La Presse. «Pour chaque dollar d'investissement, on a accepté 45$ de dette. En partant, il y a un petit problème!» a-t-il lancé. Sans succès, il a demandé au ministre responsable, Raymond Bachand, de chiffrer les pertes prévues par la société d'État dans ce partenariat risqué.

Ces 82 millions portaient intérêts à 8%, mais ces derniers étaient exigibles seulement dans six ans, en 2016. C'est à cette créance que la société d'État a renoncé. L'entreprise a annoncé des reculs de revenus passés de 276 millions à 203millions pour le premier semestre de 2009.

Dans son dernier rapport annuel, Loto-Québec indique que sa filiale Casino Mundial a rapporté 7,8 millions d'intérêts. Mais le partenariat «a été marqué par un contexte économique et réglementaire difficile». Depuis janvier 2008, l'interdiction de fumer dans les lieux publics en France et le ralentissement économique ont donné un coup de frein à l'industrie des casinos au pays. Cela se traduit par un recul de 11,6% des activités. Casino Développement Europe, le bras européen - essentiellement français - de Loto-Québec, encaissait des pertes. Une diminution de 6,3 millions de dollars de la valeur des actions a dû être inscrite aux livres l'an dernier.

Pour le député Caire, il faut se demander si Loto-Québec était premier créancier dans le dossier - une créance de second rang dans un secteur vulnérable risque fort de se transformer en radiation, prévient-il.

Surtout, relève l'ex-adéquiste, le principal compétiteur de Moriflor en France vient d'annoncer un recul de 10% de ses profits, un repli que ne pourra éviter le partenaire français de Loto-Québec.

Visiblement pris de court, le ministre Bachand a commencé par rappeler que Loto-Québec était parmi les leaders mondiaux pour la surveillance des joueurs compulsifs, et avait remporté des prix comme l'une «des sociétés les plus responsables».

Mais Loto-Québec est aussi réputée pour son expertise mondiale, et ce partenariat français comme d'autres partout dans le monde fait valoir le savoir-faire de cette société d'État, a expliqué le ministre Bachand. Devant le député Caire, insistant sur les chiffres et les conséquences financières de cet engagement, M. Bachand a reporté le débat à l'étude des crédits le printemps prochain avant de conclure qu'il «ne permettrait pas que la qualité des gestionnaires de Loto-Québec soit mise en cause».